Tensions dans la villa des Marseillais à la Maison Blanche. Entre Donald Trump, le président golfeur, et Elon Musk, chargé de faire le ménage dans l’administration américaine, l’idylle semble crépusculaire. La rumeur a même couru la semaine dernière que le premier milliardaire évoquait en privé un départ du gouvernement à venir du second. Information finalement démentie par la présidence.
Mais « Elon Musk va sans doute être obligé de quitter le DOGE, car au-delà d’une certaine date, il doit être confirmé par le Sénat, et il a trop de conflits d’intérêts pour ça », note Jérôme Viala-Godefroy, docteur en civilisation américaine. Si la séparation est inévitable, reste à savoir si on se dirige vers un scénario « divorce avec pertes et fracas » ou « rupture à l’amiable ».
Coup de chaud sur les droits de douane
Dernièrement, les tensions ont culminé autour de la question des droits de douane. Alors que Donald Trump s’était lancé dans une surenchère avec de nombreux partenaires commerciaux, Elon Musk plaidait en Italie pour une « zone de libre-échange » entre les Etats-Unis et l’Europe. Le patron de Tesla, dont l’action a chuté, a aussi qualifié le conseiller économique du président, Peter Navarro, de « crétin » et « bête comme ses pieds ».
Mais Peter Navarro, « économiste à la marge dans son milieu », est « plus trumpiste que Trump sur le protectionnisme », fait valoir Jérôme Viala-Godefroy, et Elon Musk « n’a jamais critiqué Trump directement ». « C’est une polémique indirecte mais le message a été reçu », avance de son côté James Cohen, professeur émérite au département du monde anglophone de l’Université Sorbonne-Nouvelle Paris 3. Mercredi, Donald Trump a finalement annoncé suspendre son offensive sur les droits de douane.
Gamelle électorale
Le grondement de l’orage s’éloigne un peu. Publiquement, les deux hommes s’apprécient toujours, le président américain s’affichant régulièrement avec X Æ A-Xii, le fils d’Elon Musk. Il avait aussi vanté les mérites des voitures Tesla, dont les ventes s’effondrent. Quant à l’action « destructrice » du milliardaire au « département de l’efficacité gouvernementale », elle semble correspondre aux ambitions présidentielles : le patron de Tesla « ne démérite pas aux yeux de Donald Trump », souligne James Cohen. Surtout, le Sud-Africain ne représente pas un danger pour le président.
Politiquement, « Elon Musk est un peu grillé depuis la perte d’une élection dans le Wisconsin », Etat-pivot où la démocrate Susan Crawford a remporté un siège à la cour suprême, indique Jérôme Viala-Godefroy. Un scrutin qui pourrait sembler anodin, mais dans lequel Elon Musk avait placé « des enjeux élevés ». Le patron de Tesla avait estimé que « cette petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », et investi lui-même plus de 25 millions de dollars pour soutenir le candidat conservateur.
« Ils se tiennent l’un et l’autre »
« Elon Musk est vu comme une sorte d’intrus qui se permet d’acheter les élections », explique James Cohen. Dans les sondages, le patron de X est très peu apprécié, même chez les conservateurs. « Le récit, c’est qu’il a perdu, et Trump se sent moins forcé de l’écouter », reprend Jérôme Viala-Godefroy. Difficile donc d’imaginer Elon Musk prendre son indépendance et incarner une nouvelle ligne politique. « Ils ont une philosophie divergente sur l’économie mais des points de convergence sur la civilisation, des intérêts communs », reprend le docteur en civilisation américaine.
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Des intérêts assez forts pour continuer de cheminer ensemble pour le moment. « Ils se tiennent l’un et l’autre. Elon Musk a accès au pouvoir politique par Trump, et Trump a l’argent de Musk et le mégaphone X à disposition », constate Jérôme Viala-Godefroy. Le patron du réseau social, même débarqué pour échapper aux questions du Sénat, pourrait finalement rester dans l’entourage de Donald Trump. « Un soutien à l’extérieur du gouvernement, ce n’est pas impossible, cela avait déjà été le cas pour Steve Bannon qui avait été conseiller de Trump au début de son premier mandat avant d’être congédié à cause de son image – justifiée ! – de facho », rappelle James Cohen. Et grosse rupture ou pas, « Trump cherchera à continuer son travail de destruction de programmes et d’emplois au DOGE ». Malgré les turbulences, la love story n’en est pas à son dernier chapitre.