Difficile de faire nos courses sans se voir proposer des produits pour protéger notre microflore ! Notre corps abrite dix fois plus de bactéries que de cellules. Vraiment ?
La microflore ou microbiote est l’ensemble des micro-organismes qui résident normalement dans notre organisme. Ses secrets ont été popularisés par le Dr Giulia Enders dans son livre « Le charme discret de l’intestin ». Ce best-seller a largement contribué à l’engouement autour du sujet ! Pourtant, la découverte de la microflore intestinale remonte à plus d’un siècle. On le doit au microbiologiste Élie Metchnikoff, prix Nobel de médecine en 1908. Au fil du temps, les avancées technologiques ont facilité l’étude du microbiote, et c’est en 1977 que fut publié le fameux ratio d’une cellule humaine pour dix bactéries. par le microbiologiste américain Dwayne Savage.
Quantités de microbes et de cellules difficiles à mesurer
En 1972, le biochimiste Thomas Luckey estimait que chaque gramme de selles humaines contenait cent milliards de bactéries et que le tube digestif en contenait un kilogramme. En multipliant, et en considérant que la majorité des bactéries sont hébergées dans les selles, l’estimation de la quantité dans l’organisme était donc de 100 000 milliards de bactéries. En 1977, l’équipe du professeur Savage comparait ce nombre au nombre de cellules humaines (10 000 milliards), d’où le fameux ratio. Ce ratio d’un sur dix s’est rapidement répandu dans la communauté scientifique, car il est facile à retenir et concrétise la notion de microflore intestinale. Le ratio est encore diffusé dans les cours de biologie ou dans les activités de vulgarisation.
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Et bien sûr, les questions stupides n’existent pas !
Près de quarante ans plus tard, en 2014, le microbiologiste Judah Rosner a publié une lettre dans l’ancienne revue scientifique « Microbe » pour remettre en question la proportion intangible d’un sur dix. Le début de son texte est également intéressant et révèle un paradoxe : « La science est régie par une réanalyse critique des faits. (…) Mais une fois qu’un fait entre dans la littérature scientifique, au bout d’un moment il devient difficile à effacer. » Le professeur Rosner souligne que l’estimation de 10 000 milliards de cellules a été publiée pour la première fois dans un livre en 1970, mais que l’information n’y est pas référencée. Il prévient également que l’évaluation de la quantité de cellules humaines constitue en réalité un défi. Il conclut que, même si ce ratio devait être contredit, cela ne remettrait pas en cause l’implication du microbiote dans la santé humaine.
Une question de méthode
Deux ans après la lettre mentionnée, les travaux israéliens ont réfuté ce rapport inébranlable. L’équipe du professeur Ron Milo a sélectionné l’organe dont le nombre de bactéries était représentatif de celui des bactéries présentes dans l’organisme. La microflore de la bouche, des poumons ou de la peau n’a pas été comptée, car la quantité de bactéries y est cent fois moins riche que dans le gros intestin. Ils ont pris en compte que le côlon contient 400 grammes et non un kilo de selles fraîches. Ensuite, l’équipe s’est inspirée d’un article scientifique italien évaluant le nombre de cellules humaines, non pas globalement, mais organe par organe, puisque la taille et la masse des cellules varient considérablement dans tout le corps.
Le nombre de cellules humaines devient alors trois fois plus élevé, soit 30 000 milliards. La proportion de bactéries par cellule est ainsi affinée à 1,3. Bien que inférieur à 10, le rapport est supérieur à 1, les bactéries restent donc supérieures en nombre.
Or, à chaque fois que vous déféquez aux toilettes, cela se rééquilibre et ce sont les cellules humaines qui deviennent plus nombreuses !
Virus, bactéries et protozoaires peuplent notre corps
Nous parlons de bactéries, composant le plus analysé du microbiote intestinal aujourd’hui. Cependant, il n’exprime pas toute la complexité de votre microflore. Bactéries, levures, protozoaires (animal microscopique doté d’une seule cellule) et virus, c’est le petit monde inoffensif que vous hébergez ! Notre « virobiote » a longtemps été considéré comme représentant l’écrasante majorité de l’organisme. En 2021, des études révisent ces données à la baisse, et rapprochent le nombre de virus dans notre organisme de celui des bactéries. Par conséquent, ces chiffres sont similaires à ceux des cellules humaines.
Mais n’oubliez pas que lorsqu’on les additionne, les bactéries et virus regroupés sont majoritaires !