En 2024, ceux qui persistent à nier ou à minimiser la réalité du changement climatique doivent rivaliser de mauvaise foi pour garder la tête hors de l’eau. Fin août, ils étaient nombreux à avoir ainsi largement relayé le titre d’un article de Courrier international, écrit ainsi : « Le climat. L’océan Atlantique se refroidit à une vitesse record et personne ne comprend pourquoi. »
Mais ce titre est pour le moins trompeur puisque l’Atlantique, dans son ensemble, continue de se réchauffer. Et si le sous-titre tente de recadrer le sujet, en évoquant le fait que ce refroidissement concernerait « l’océan Atlantique équatorial »le poison de l’imprécision a clairement fait son œuvre sur les réseaux sociaux. Un titre similaire avait été choisi par le site Ardoise daté du 21 août au matin (« La température de l’océan Atlantique chute à une vitesse record »), qui a été ultérieurement modifié en ajoutant le mot « équatorial ».
⚠️NOUVEAU BUG DANS LE RÉCIT
ÉCHAUFFEMENT
🥵1/2/24
L’Atlantique a battu des records de chaleur le 23 août.
On nous dit que ce phénomène « inquiétant » confirme la gravité du réchauffement climatique.
🥶20/8/4
L’Atlantique bat des records de froid le 24 août.
Personne ne sait pourquoi. pic.twitter.com/rXA36jDcvN— François Asselineau (@f_asselineau) 20 août 2024
Comme Libérer Comme le rappelle ce jeudi un article faisant le point sur cette actualité scientifique, tous les océans du globe – l’Atlantique Nord en tête – connaissent depuis plus de quinze mois une surchauffe sans précédent. Concernant l’Atlantique Nord, des records de température ont été battus en 2023, et les moyennes de l’été 2024 sont les deuxièmes plus élevées depuis que des mesures sont réalisées.
La variabilité saisonnière normale est habituellement observée dans toutes les eaux du globe. Et c’est également le cas pour l’Atlantique équatorial, avec des températures maximales attendues au printemps, suivies d’une baisse significative en juillet-août (température inférieure à 25°C). Habituellement, ce phénomène de baisse est principalement attribué aux alizés qui, à cette saison, balayent les eaux de surface, laissant les eaux froides profondes niveler les températures vers le bas. On s’attend donc à une succession de « Niñas atlantiques » (événements froids) et de « Niños atlantiques » (événements chauds). Début 2024, la surface de l’Atlantique équatorial oriental a atteint des températures record, dépassant les 30°C. Mais un épisode froid est survenu peu après, déconcertant les chercheurs : « Jamais auparavant l’Atlantique équatorial oriental n’a basculé aussi rapidement d’un phénomène extrême à un autre », a expliqué Franz Philip Tuchen, océanographe à l’Université de Miami, dans un article détaillant ces découvertes.
Le plus intriguant est que les alizés, relativement faibles aux périodes considérées, ne suffisent pas à expliquer la baisse de température. Car en fait, on aurait plus volontiers attendu des températures moins basses que d’habitude. Diverses hypothèses explicatives sont évoquées par les spécialistes interrogés, qui restent néanmoins à évaluer et à investiguer.Ce refroidissement peut répondre à différents mécanismes (vents, vagues océaniques, etc.)commentaires ainsi à Vérifiez les actualités l’océanographe Nicolas Kolodziejczyk, du Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS). « Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Après l’observation, la recherche et la validation des explications scientifiques nécessitent plus de temps. »
De son côté, Laurent Bopp, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), note que « Cette zone de températures plus froides, très concentrée à l’équateur, était bien visible en juin et juillet. Mais si l’on regarde les cartes des derniers jours, cette anomalie froide semble beaucoup moins visible. Est-ce que cela va durer ? Il est évidemment trop tôt pour le dire. Nous sommes là à commenter en direct… alors qu’il faudrait attendre d’avoir plus de données, et prendre du recul, avant de pouvoir dire quoi que ce soit de pertinent. »
Quoi qu’il en soit, rien ici n’infirme les conclusions générales sur le réchauffement climatique d’origine anthropique et ses conséquences en termes de dérèglement climatique.
De nombreux vulgarisateurs scientifiques, dont l’agroclimatologue Serge Zaka, ont contacté l’hebdomadaire (jusqu’à présent, en vain) Courrier international pour souligner le titre mal choisi, et sa récupération par les cercles climato-sceptiques.
J’avais peur de ce qui allait se passer exactement :
1) Un murmure chinois est mis en place avec une reprise sur l’autre presse comme @Slatefr
2) Les sceptiques du climat s’en donnent à cœur joie avec ce faux titre et ces interprétations erronées.
3) @courrierinter ce n’est toujours pas corrigé. pic.twitter.com/9uxmWQEYNX– Dr Serge Zaka (Dr Zarge) (@SergeZaka) 21 août 2024