ESJ Paris racheté par des investisseurs de droite, nouvelle étape dans la bollorisation des médias – Libération
La bollorisation va désormais commencer à l’école de journalisme. L’École de journalisme de Paris (ESJ Paris), la plus ancienne école de formation de journalistes au monde, créée en 1899 par l’écrivaine Jeanne Weill, alias Dick May, est sous la bannière d’un consortium d’investisseurs marqués de droite, dont Bernard Arnault. , Vincent Bolloré, la famille Dassault, l’ancien président du Medef Pierre Gattaz et Rodolphe Saadé.
Dans un communiqué publié ce vendredi 15 novembre, la bande, également associée au groupe Bayard Presse, a annoncé vouloir faire de cette école, qui ne fait actuellement pas partie des quatorze reconnues par la profession, « un haut lieu de l’excellence journalistique, un centre de formation de référence où se dessinent les contours du journalisme de demain. » La nouvelle direction de l’établissement semble notamment mettre en avant une volonté de devenir une référence dans le domaine de l’enseignement du journalisme économique. UN « engagement collectif » dans le sens d’un « dynamique de renouveau », se gargariser immédiatement JDD bollorisés, sans prendre la peine de s’écarter ne serait-ce qu’un peu du communiqué – difficile de critiquer leur potentiel futur vivier de talents.
Un ancien réalisateur d’Europe 1
Mais il s’agit en réalité, comme le souligne l’hebdomadaire du milliardaire d’extrême droite, d’un « une nouvelle page s’ouvre », bien loin des valeurs de la première école, la première au monde à s’ouvrir aux femmes, soutenue par Emile Durkheim et détestée par la droite antidreyfusarde. Les étudiants, qui ont découvert le rachat ce vendredi matin par l’intermédiaire de sources journalistiques, sont stupéfaits. Marie (1), en master de journalisme, parle d’un « mauvais coup au moral » qu’elle n’a pas vu venir. Autour d’elle, certains ont certes un peu d’espoir que l’achat permettra d’augmenter les ressources d’une école qui en manque, mais Marie, de son côté, ne le pense pas. « ne voit que des côtés négatifs ». Déjà parce que c’est son argent, et celui de ses camarades, qui finance l’école : 7 000 euros par an tout de même, et parce qu’elle craint l’arrivée d’enseignants d’extrême droite qui bousculeraient ce qu’elle jugeait jusqu’ici comme un « un enseignement équilibré ». Ensuite parce qu’elle s’inquiète des conséquences sur sa carrière. « Cela me rend vraiment triste de penser que la chose qui restera sur mon CV pour le reste de ma vie sera celle-ci. Et j’ai peur de ne pas trouver de travail quand les rédactions voient que j’ai fait l’école de journalisme Bolloré. »
Elhame Medjahed, ancienne présentatrice sur Europe 1, propriété de Vincent Bolloré, et jusqu’à présent directrice pédagogique de l’établissement, prend la relève en tant que directrice générale par intérim. Elle succède au spécialiste du Maroc Guillaume Jobin, qui dirigeait l’école depuis 2009. Comme président de l’établissement, on retrouvera Vianney d’Alançon, entrepreneur catholique et seigneur de La Barben (Bouches-du-Rhône), où il a établi l’historique Rocher. Parc d’attractions Mistral, sorte de Puy-du-Fou provençal à la vision historique plus que discutable. Selon nos informations, c’est lui qui est à l’origine de la table ronde réunissant cette équipe de l’élite du capitalisme français. En mai, le magazine Défis a fait état de négociations pour vendre l’école pour un montant compris entre 2 et 3 millions d’euros.
L’école a eu une réputation sulfureuse ces dernières années, employant par exemple comme professeurs le controversé journaliste indépendant Jean-Paul Ney ou la reporter russophile Anne-Laure Bonnel. ESJ Paris entretient également depuis peu un tropisme pour le Moyen-Orient, avec un secteur orienté vers le marché médiatique des pays arabes. Quelle sera désormais sa future ligne ? La nouvelle équipe dirigeante sera connue en janvier, et l’école devrait prochainement quitter la rue de Tolbiac, dans le 13e arrondissement de Paris, pour de nouveaux locaux. Contacté, le nouveau directeur n’a pas encore répondu aux sollicitations de Libérer.
(1) Le prénom a été modifié.