Eramet suspend son projet d’usine de recyclage de batteries à Dunkerque, faute de marché en Europe
« En l’absence de montée en puissance en Europe des usines de batteries et de leurs composants, il existe aujourd’hui des incertitudes importantes, tant sur l’approvisionnement en matières premières de l’usine que sur les débouchés des sels métalliques issus du recyclage. », explique Eramet dans un communiqué. « Nous restons pleinement convaincus de la nécessité de développer une économie circulaire des métaux critiques sur le sol européen, dont le recyclage des batteries en fin de vie sera un élément clé de la future chaîne de valeur, mais la réalité est que la chaîne de valeur les batteries électriques en Europe connaissent un démarrage très difficile »a expliqué la PDG du groupe Christel Bories, lors d’une conférence téléphonique avec la presse jeudi. Le groupe minier a annoncé suspendre son projet d’usine à Dunkerque.
« Compte tenu de la montée en puissance très lente des usines de batteries, nous ne sommes pas en mesure de sécuriser les approvisionnements en matières premières pour alimenter notre projet d’usine, a-t-elle ajouté. En attendant de disposer de batteries en fin de vie, le projet d’usine s’est appuyé sur un approvisionnement provenant essentiellement des baisses de production des nouvelles usines de batteries en cours de construction à Dunkerque. Mme Bories a notamment évoqué les « problèmes » de NorthVolt ou ACC, et les « nombreux reports de projets dans la chaîne de valeur des batteries ».
De plus, « en aval », dit-elle, « il n’y a pas de projet européen de précurseur de cathode confirmé, donc il n’y a pas de client (en Europe) pour les sels métalliques issus du recyclage »a-t-elle ajouté. « Si aujourd’hui on fabriquait des sels (de nickel, de cobalt ou de lithium, ndlr) à partir du recyclage, il faudrait les vendre en Asie. Cela n’a pas de sens de recycler sur le marché européen pour vendre le produit en Asie », a-t-elle déclaré.
« Ce n’est pas un renoncement », assure le ministre qui était « au courant »
Invité sur franceinfo ce jeudi 24 octobre, la ministre Agnès Pannier-Runacher a voulu minimiser la mauvaise nouvelle, insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas de « renoncement ». » « Ce n’est pas un renoncement, c’est une suspension », a-t-elle insisté, précisant qu’elle en était « consciente ». » « Deux choses : Christelle Bories, la patronne d’Eramet, annonce le rachat de parts chinoises dans son gisement de lithium en Amérique latine. C’est très important, cela renforce notre souveraineté sur les matières premières critiques pour la transition énergétique. Et deuxième chose : il est suspendu pour le moment, à l’heure où l’électrification des véhicules et le rythme de développement des batteries électriques ralentissent un peu en Europe. Je rappelle que cela est également lié à la politique allemande qui a fait le choix l’année dernière de réduire drastiquement son soutien à l’électrification. Alors elle tergiverse mais ça ne veut pas dire qu’elle abandonne », a fait valoir le ministre.
Le projet Eramet, en collaboration avec le groupe Suez – à Dunkerque ou dans les environs – prévoit la construction de deux usines : une pour trier et broyer les batteries usagées ou les chutes de production pour fabriquer un composant dit de « masse noire » contenant des sels minéraux mélangés. , et l’autre pour la séparation de ces sels destinés aux équipementiers de la chaîne industrielle des batteries.
C’est cette deuxième activité qu’Eramet devait prendre en charge. » Avant de le mettre en œuvre, nous attendons une meilleure visibilité sur le marché. Il ne s’agit pas d’une préoccupation industrielle puisque notre procédé hydrométallurgique d’extraction des différents éléments (nickel, cobalt, lithium, manganèse) a été validé à la suite d’essais concluants réalisés au sein de notre usine pilote, à Trappes (Yvelines). On a juste des doutes sur le modèle économique et les débouchés en Europe. »
La sortie d’Eramet ne signifie pas un abandon total du projet mené en collaboration avec Suez. « D’ailleurs, lorsque la décision d’Eramet a été connue, Suez, co-investisseur dans ce projet, m’a immédiatement appelé pour confirmer son implication.nous a assuré ce jeudi midi Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine. Si nécessaire, le groupe recherchera un nouveau co-investisseur. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter, c’est très positif. Cette décision d’Eramet ne remet pas en cause le pouvoir d’attraction de Dunkerque… »