Le fondement religieux de l’esclavage
Dans les textes fondateurs de l’Islam, l’esclavage est légitimé, mais pas encouragé. Libérer un esclave est considéré par le Coran comme une œuvre de charité, récompensée par Dieu. Le Hadîth, recueil des faits et faits du Prophète, avertit les maîtres qui maltraitent leurs esclaves qu’ils n’entreront pas au Paradis. Enfin, il est interdit d’asservir d’autres musulmans. A partir de cette base religieuse, les juristes chercheront à réglementer la vente et l’achat d’esclaves à travers des actes notariés qui combattent les situations d’illégalité.
Formes d’esclavage au sein des sociétés musulmanes
Les esclaves sont présents à différents niveaux des sociétés musulmanes. L’esclavage agricole, surtout masculin, concerne les plantations. L’esclavage domestique recouvre diverses formes d’activité : des eunuques aux odalisques, qui exercent des fonctions administratives dans l’entretien du ménage, jusqu’aux concubines, qui ne bénéficient pas des droits et protections des épouses légitimes. Il existe enfin une forme d’esclavage administratif et militaire qui consiste à confier des postes de commandement importants à des esclaves ou à des affranchis, dont la loyauté est assurée par les liens privilégiés qu’ils entretiennent avec leur maître.
Les abolitions et leurs conséquences
La première abolition de l’esclavage dans un pays musulman fut due à un décret d’Ahmed Bey, gouverneur de Tunis, en 1846. Par la suite, sous la pression des Européens qui luttèrent contre la traite négrière, l’esclavage fut progressivement aboli dans les pays musulmans tout au long du XIXe siècle. . Malgré ces abolitions, des formes informelles d’exploitation économique perdurent, notamment dans la sphère domestique. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que, du fait de l’évolution sociale et notamment de l’urbanisation croissante, l’esclavage disparaisse réellement des mondes musulmans.
En savoir plus
Inès Mrad Dali est docteur en anthropologie sociale et historien, chercheur associé au Centre de recherches historiques de Sciences Po. Elle est l’auteur d’une thèse, sous la direction de Jocelyne Dakhlia, intitulée « Identités multiples et multitudes d’histoires : les Noirs tunisiens « de 1846 à nos jours ».
Jamela Ouahhou est doctorant en histoire médiévale à Aix-Marseille Université. Elle réalise une thèse sous la direction de Julien Loiseau intitulée « Esclaves et affranchis dans les discours et pratiques juridiques du Proche-Orient islamique à la période mamelouke (XIVe-XVe siècle) ».
M’hamed Oualdi est professeur à Sciences Po Paris, historien du Maghreb, coordinateur d’un projet européen pour mettre fin à l’esclavage en Méditerranée.
Il a notamment publié :
- L’esclavage dans les mondes musulmans : des premiers trafics aux traumatismesAmsterdam, 2024
- Un esclave entre deux empires. Une histoire transimpériale du MaghrebSeuil, 2023
- Esclaves et maîtres : les Mamelouks des Beys de Tunis du XVIIIe siècle aux années 1880Éditions de la Sorbonne, 2011
Références sonores
- Lecture par Mathieu Coppalle d’un extrait du Coran, sourate V, verset 89 et sourate II, verset 221, traduction française par Denise Masson, Paris, Gallimard, 1993
- Archives de Louis Massignon, islamologue, sur les Mamelouks, L’heure de la culture françaiseRTF, 14 août 1950
- Extrait du film Les aventures extraordinaires de Cervantes de Vincent Sherman, 1967
- Lecture par Taïssia Froidure de la lettre adressée aux juges musulmans de Tunis par le gouverneur de la province ottomane de Tunis, Ahmad Bey, 23 janvier 1846
- Crédits musique : Genre par Makoto San, 2020