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ENTRETIEN. Guerre en Ukraine : pourquoi l’usage des armes américaines en Russie « nous expose aux menaces de Poutine »

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Autoriser l’Ukraine à utiliser les armes américaines pour attaquer la Russie sur son territoire entraînera-t-elle une escalade du conflit ? Le point de vue de Guillaume Ancel, ancien officier et écrivain, auteur de Saint-Cyr, à l’école de la Grande Muette.

Pourquoi Joe Biden a-t-il décidé d’autoriser les Ukrainiens à utiliser des armes américaines sur le territoire russe ?

Guillaume Ancel : La question est en débat depuis le début de l’offensive russe contre les frontières de Kharkiv début mai. Car les cinquante pays qui soutiennent l’Ukraine, au sein du groupe Rammstein, se sont rendu compte qu’il y avait un effet pervers dans les règles qu’ils avaient édictées. Avec, d’un côté, les forces ukrainiennes à qui il était interdit d’utiliser des armes étrangères pour tirer sur le territoire russe. Et de l’autre, les forces russes qui, au lieu de s’installer en Ukraine, bombardaient tranquillement Kharkiv depuis la Russie en se disant « comme ça, l’ennemi est coincé ». C’est exactement ce qui s’est passé.

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N’est-il pas particulièrement risqué de changer les règles ?

Ayant une certaine expérience du combat, je sais que monter sur un ring avec un bras attaché derrière le dos ne se termine généralement pas bien. C’est pourquoi je pense que nous aurions dû autoriser les Ukrainiens à utiliser des armes étrangères sur le territoire russe il y a quelques mois. Cela aurait certainement permis d’éviter un certain nombre de drames…

Guillaume Ancel est un ancien officier de l'armée française.
Guillaume Ancel est un ancien officier de l’armée française.
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Toutefois, l’usage des armes américaines en Russie reste strictement réglementé…

Oui, les cinquante pays alliés se sont mis d’accord, sous la houlette des Américains et avec une certaine cohérence, pour que les Ukrainiens n’aient pas à se demander quelle est la nationalité des armes qu’ils utilisent. Premièrement, ceux-ci doivent viser uniquement des cibles militaires. Contrairement aux Russes qui n’hésitent pas à tirer sur des civils, comme on l’a encore vu la semaine dernière avec l’atroce bombardement d’un centre commercial du centre de Kharkiv. Deuxièmement, les Ukrainiens ne peuvent frapper que des bases russes situées non loin de la frontière, soit à une centaine de kilomètres au maximum. Car s’il s’agissait d’un tir en profondeur sur le territoire russe, Poutine pourrait l’assimiler à une agression contre la sécurité de son pays.

Les Ukrainiens n’ont-ils jamais utilisé d’armes étrangères contre la Russie auparavant ?

Presque pas. Depuis le début du conflit, il y a eu quelques cas, peu documentés, où par exemple les Russes ont affirmé avoir récupéré des morceaux de bombes air-sol françaises chez eux. Mais globalement, les Ukrainiens n’ont utilisé que des armes étrangères sur leur territoire, y compris en Crimée. Et lorsqu’ils frappaient des raffineries ou des bases aériennes en Russie, c’était avec leurs propres moyens, drones ou missiles qu’ils avaient fabriqués.

La tension va-t-elle encore monter d’un cran entre la Russie et l’Occident ?

Il est certain que nous nous exposons aux menaces de Vladimir Poutine. Il a déjà commencé à en parler, évoquant le spectre des armes nucléaires. Mais il sait parfaitement qu’il ne peut pas rentrer dans ce registre. S’il utilisait une arme de destruction massive, l’OTAN réagirait en détruisant l’armée russe en Ukraine. En revanche, Poutine tentera probablement de mener des attaques ou des actions indirectes contre des installations européennes, par exemple en attaquant des câbles sous-marins. Une fois de plus, il ne devrait pas y avoir d’attaque frontale de la Russie contre un pays de l’OTAN. Parce que cela rendrait Poutine responsable d’une escalade guerrière dont, au fond, il ne veut pas.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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