ENTRETIEN. Guerre en Ukraine : « Il n’a pas l’intention de faire la guerre »… Quelle relation Donald Trump entretiendra-t-il avec Vladimir Poutine ?
Quelques jours après l’élection de Donald Trump, Guillaume Ancel, ancien officier et écrivain, auteur de « Saint-Cyr à l’école de la Grande Muette »analyse la situation de la guerre en Ukraine et la direction que peut prendre le conflit avec le remplacement de Joe Biden à la tête des États-Unis.
Peut-on parler d’un saut dans l’inconnu concernant la guerre en Ukraine après l’élection de Donald Trump ?
Si Kamala Harris avait été élue – comme je l’espérais – son positionnement incertain aurait posé problème. Car elle ne s’est pas, ou presque, prononcée sur le sujet. Ce que l’on voit jusqu’à présent, c’est que Joe Biden a aidé l’armée de Kiev à résister sans lui donner les moyens de vaincre la Russie.
De nombreux observateurs se sont interrogés sur les intentions réelles de Biden, dont on connaît la crainte d’une confrontation directe avec Poutine. Kamala Harris n’aurait pas forcément investi en Ukraine pour trouver une solution au conflit. Nous sommes passés d’une administration indécise à un nouveau président complètement hors de contrôle.
Comment jugez-vous la position de Donald Trump ?
Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il a bien l’intention de mettre un terme à cette guerre et il en a probablement déjà discuté avec Poutine. Pour Donald Trump, ce conflit est une « mauvaise affaire » et il souhaite que les États-Unis n’y soient plus impliqués pour longtemps.
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Que pouvait-il faire ?
C’est là que réside l’incertitude… Imposera-t-il une capitulation à l’Ukraine ? Ou dira-t-il à Poutine : « Si vous ne négociez pas les conditions que j’ai choisies, j’investirai massivement pour vous vaincre » ? Personnellement, je ne suis pas convaincu par cette deuxième option. Je crains que la première solution ne soit adoptée, sous prétexte d’une garantie américaine, et que Poutine récupère tout ce qu’il a conquis, soit environ 20 % du territoire ukrainien. Il est important pour le président russe d’obtenir un accord car son armée est épuisée par cette guerre et il n’a pas les moyens de conquérir l’Ukraine.
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Ces derniers jours, certains Ukrainiens se sont réjouis de l’élection de Trump sous prétexte que les choses pourraient changer, positivement ou non. Est-ce compréhensible ?
Les Ukrainiens, comme nous, ont compris que ce n’est pas eux qui changeront l’attitude de Trump et qu’ils seront obligés de vivre avec pendant 4 ans. Au-delà de déplorer ou de regretter ce choix des Américains, la question se pose : qu’en fait-on ? Aujourd’hui, si les Etats-Unis retirent leur soutien militaire, les Européens ne pourront pas prendre le relais. Le fait que Trump soit arrivé au pouvoir nous place dans une situation très délicate dont nous ne pouvons qu’être sûrs : il ne fera rien dans notre intérêt.
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Le plan de Trump pour arrêter la guerre a été en partie révélé par la presse américaine : gel du conflit, zone tampon, déploiement de forces militaires internationales… Peut-on y croire ?
C’est possible oui ! Personnellement, je pense qu’il a déjà parlé avec Poutine. Désormais élu, il va s’entretenir avec ses conseillers et revoir sa copie. Mais il a déjà pensé à quelque chose. Je le répète, pour lui cette guerre est une « mauvaise affaire » et il veut y mettre un terme. La question est de savoir par quels moyens. Et il ne favorisera pas les intérêts ukrainiens et européens. Je pense qu’il essaiera surtout de montrer qu’il respecte Poutine car il n’a pas l’intention de lui faire la guerre.
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Le gel des frontières entraînerait une victoire certaine de la Russie et donc de son allié chinois, ennemi de Donald Trump. Cela pourrait-il jouer un rôle dans la fin potentielle de ce conflit ?
Oui et non. A bien y regarder, la Chine n’a jamais été concrètement impliquée en Ukraine, contrairement à la Corée du Nord ou à l’Iran. Pour moi, la Chine a pris du recul et a montré que si les grandes puissances s’affaiblissaient dans cette guerre, c’était à son avantage.
Le fait que Donald Trump veuille y mettre un terme est aussi une manière de dire qu’il conserve toutes ses ressources militaires pour les utiliser quand il le veut et en a besoin. Et l’Ukraine n’en a pas besoin. Pour moi, la situation dans laquelle nous nous trouvons fait que nous ne pouvons plus compter sur la puissance américaine pour nous protéger car Trump est trop incertain.