Divertissement

ENTRETIEN. Barbara Necek raconte le passé tabou des travailleuses françaises dans l’Allemagne nazie

À partir de 1940, 80 000 femmes quittent la France pour travailler dans les usines de l’Allemagne nazie. Souvent plus par précarité sociale que par idéologie. Pourtant, à leur retour en France en 1945, ces travailleurs « volontaires » sont stigmatisés pour collaboration.

Ainsi, beaucoup sont restés silencieux pour tomber dans l’oubli. Diffusé ce dimanche 31 mars 2024 sur France 5 le documentaire Honte et oubli, les travailleurs français dans l’Allemagne nazie mène une véritable enquête historique, mêlant drame intime et documents et archives jamais remis en cause jusqu’à présent. Barbara Necek, co-auteure aux côtés de l’historienne Camille Fauroux, raconte le contexte du film.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film sur ce sujet qui reste tabou ?

Le point de départ était les recherches personnelles du producteur Emmanuel Priou sur sa grand-mère maternelle et son passé de travailleuse civile en Allemagne. Assimilés aux collaborateurs, insultés, parfois le crâne rasé, rejetés par leurs familles, les « travailleurs civils » ont enterré ce secret. Peu d’entre eux ont témoigné. Le film est basé sur les travaux de l’historien Camille Fauroux, auteur de Produire la guerre, produire le genre (EHESS éd., 2020).

Autre témoignage, celui de Chantal Le Bobinnec, emmenée par sa mère en Allemagne…

La plupart des 80 000 volontaires ne sont pas partis en exil par adhésion à l’idéologie nazie, mais par nécessité économique et familiale. Ce sont souvent des jeunes, parfois mineurs, issus des milieux populaires. Pour certains, c’est une expérience de liberté, sans père, sans mari. L’histoire de Chantal Le Bobinnec est unique. Elle raconte son départ avec sa sœur cadette et leur mère, une bourgeoise divorcée, séduite par la « discipline » allemande. Un parcours qu’elle a raconté dans un livre en 1995, Ma drôle de guerre à 18 ans.

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Dans quel contexte ces femmes partent-elles ?

Fin 1940, la France comptait 1,5 million de chômeurs, dont 300 000 femmes. L’Allemagne nazie promet des conditions très attractives, salaire, logement, soins médicaux, temps libre, et verse une prime immédiate de 1 000 francs. Et le régime de Vichy facilite les départs. Contrairement à la loi en vigueur à l’époque, les femmes pouvaient aller travailler sans l’autorisation de leur mari. Ils constituent un tiers des départs volontaires entre 1940 et 1942.

Quelles sont leurs conditions de vie et de travail ?

A leur descente du train ou à la caserne, elles sont recrutées par les directeurs d’usines, dans tous les secteurs : armement, agriculture, restauration… Les Françaises ont le droit d’aller au cinéma, au théâtre, au restaurant, et peuvent flirter avec les ouvriers français. Contrairement aux Russes, aux Ukrainiens et aux Polonais, amenés de force à travailler dans les usines les plus dangereuses. Le IIIe Le Reich d’Adolf Hitler employait 13 millions d’étrangers.

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Mais leur situation se détériore ?

À partir de 1942, le travail en Allemagne devient obligatoire pour les hommes grâce au STO (Compulsory Labor Service). Fin 1942, les ouvrières civiles ne peuvent plus revenir à la fin de leur contrat, même enceintes, et sont parfois séparées de leurs bébés. Maltraités, agressés, certains, soupçonnés de sabotage, sont envoyés en rééducation par les camps de travail. Deux cents personnes furent envoyées dans des camps de concentration. Deux mille Françaises sont mortes en Allemagne. Les autres sont revenus parmi un million et demi de Français rapatriés à la fin de la guerre.

Dimanche 31 mars 2024, France 5 22h35

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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