Entreprise. S’installer à la campagne et devenir agriculteur : entre mythe et réalité
Quotidien trépidant, stress, pollution, manque de verdure et d’espace… 57 % des habitants des grandes villes avouent vouloir s’évader de cet environnement urbain parfois étouffant au profit de la campagne, selon une enquête Ifop de 2019.55 % des Français seraient même prêts à faire des sacrifices et à changer de métier pour un meilleur cadre de vie, et un tiers à réduire leur salaire, selon une enquête ObSoCo de 2022.
Se lancer, quitter cette vie citadine pour s’installer à la campagne, rénover une ferme et élever des animaux, c’est l’histoire de Camille et Guillaume racontée par l’illustratrice Zoéli dans la BD. Laissons tout derrière nous : comment nous sommes devenus agriculteurs.
Un projet qui mûrit en Nouvelle-Zélande
Il y a quelques années, au début de leur vie professionnelle, Camille et Guillaume vivaient à Annecy. Tous deux étaient très occupés par leur travail, elle était infirmière à l’hôpital et lui ingénieur. Rattrapés par leur quotidien, un travail déshumanisant au rythme infernal pour Camille et des journées ennuyeuses pour Guillaume, ils décident de changer d’air et partent en Nouvelle-Zélande pour huit mois.
Là, c’est le dépaysement total : ils vivent dans un van, côtoient des agriculteurs vivant en autarcie, font du woofing (être nourris et hébergés gratuitement à l’étranger en échange de petites tâches dans une ferme) et apprennent les métiers de la terre. : s’occuper des moutons, cultiver un potager.
À leur retour, ils sont certains d’une chose : leur vie ne redeviendra plus comme avant. Ils se sentent épanouis en étant proches de la terre. « À notre retour, nous nous sommes pas mal remis en question, nous n’avions pas de projet bien défini », reconnaît Guillaume.
Des heures de travail acharné
Alors, ils partent à la recherche de la ferme de leurs rêves et, avec l’aide de leurs parents, achètent une vieille bâtisse à rénover et surtout un terrain pour les animaux. Il faut anticiper, mais le couple est confiant et n’a pas peur. Ils installent une yourte en attendant de pouvoir rénover le bâtiment habitable. Guillaume, qui a passé une partie de son enfance dans la ferme de son grand-père, a obtenu un baccalauréat professionnel agricole. De son côté, Camille a conservé son emploi d’infirmière indépendante pour avoir un revenu fixe et organise ses horaires pour pouvoir partager son temps entre ses patients et la ferme.
Très vite, le couple s’attaque aux animaux : chevaux, moutons, chèvres, poules. Ils développent petit à petit leur activité, vendent leurs légumes sur le marché et s’intègrent à la culture locale. « Nous savions que nous voulions acheter un terrain et expérimenter ce que nous voulions, mais nous n’avions pas établi que nous allions vivre de ceci, de telle ou telle activité. Cela s’est fait en testant ce qui fonctionnait, ce qui nous plaisait », explique Guillaume.
Un quotidien difficile mais passionnant
Si au début, ils se sont heurtés aux réticences et aux interrogations de leurs voisins, à force d’investissements, les habitants locaux ont compris leur réel engagement dans ce milieu et une solidarité s’est mise en place, comme lorsqu’une violente tempête de grêle a détruit une partie de leur ferme.
Après la naissance de leur première fille, Camille, épuisée, a pris un congé parental pour s’occuper du nouveau-né et de leur ferme. « J’ai eu beaucoup de difficulté entre la différence de rythme de mon travail d’infirmière, qui est un monde très carré, organisé, droit et prévisible et le monde agricole, qui est tout sauf prévisible, on est plus dans l’observation, à le rythme de la terre », admet-elle.
Avec beaucoup de volonté et des heures de travail acharné, le couple a réussi à créer la ferme de leurs rêves, à vendre leurs légumes et fromages au marché et à organiser des visites pédagogiques, tout en étant quasiment indépendant. Un quotidien sans doute. « Quand on voit qu’on a développé une exploitation qui nous plaît et qui nous prend tout notre temps, et qu’à cause des contraintes administratives et des normes, on a encore du mal à vivre de notre activité, on trouve que c’est un peu injuste », déplore Guillaume. Difficile également pour les deux anciens citadins de trouver du temps pour des vacances alors qu’ils doivent quotidiennement s’occuper des animaux.
Aucun regret pour la vie en ville
Cependant, ils ne retourneraient pas à leur vie urbaine et sont bien conscients des contraintes de ce quotidien, mais aussi des avantages. « Être indépendant, se nourrir de nos propres produits ou de ceux de nos voisins, de notre cadre de vie, de ce que nous pouvons offrir à nos enfants. Ce n’est pas de l’argent, mais c’est quand même une part importante », reconnaît Camille.
Alors, s’ils pouvaient donner un conseil aux citadins désireux de tenter l’expérience de la campagne, voire le changement d’orientation professionnelle vers les métiers de la terre, ce serait « de le faire avec le cœur, si l’on a une passion, une profonde motivation », estime Guillaume. Et être « prêt à essayer de rebondir, car ça vaut vraiment le coup », conclut Camille.
Tout abandonner : comment nous sommes devenus agriculteurs Le Courrier du livre édition graphique, 21 euros.