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Joe Biden participe à un briefing sur l’ouragan Milton à la Maison Blanche à Washington, le 9 octobre 2024.
ÉTATS-UNIS – Une averse torrentielle s’abat sur la campagne présidentielle. Moins de deux semaines après le passage de l’ouragan Helene, la Floride a été durement touchée par l’ouragan Milton début octobre. Deux catastrophes naturelles dans cet Etat clé qui ont provoqué une cascade de polémiques entre républicains et démocrates. A moins d’un mois du scrutin, les deux camps cherchent à bénéficier de la gestion de crise de ces événements extrêmes. Avec des résultats qui restent pour le moment à prouver.
Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est indigné mercredi 9 octobre contre la campagne de désinformation menée par son rival Donald Trump.
Derrière ça « avalanche de fausses nouvelles »comme le dit Joe Biden, la stratégie du camp républicain est bien conçue. D’abord rassurer sa base électorale qui ne croit pas au changement climatique : « le climato-scepticisme est très répandu parmi les partisans de Trump. »expliquer Serge Jaumain, chercheur spécialiste des Etats-Unis, contacté par Le HuffPost.
Trump veut parler « d’immigration » face aux ouragans
Ensuite, selon le professeur de l’Université libre de Bruxelles, Donald Trump veut grappiller de nouvelles voix avec l’élection présidentielle en ligne de mire. En accusant par exemple l’administration Biden d’avoir » volé « l’argent de la Fema (l’agence fédérale de réponse aux catastrophes naturelles) pour l’offrir à «immigrés»le candidat républicain « cherche à flatter les gens qui se révoltent contre le système politique américain et qui d’habitude ne vont pas aux urnes. »
Avec ce mensonge, Donald Trump a aussi trouvé en Milton une nouvelle porte d’entrée pour parler de l’immigration, le sujet qui compte sans doute le plus dans le vote américain, renchérit Jérôme Viala-Gaudefroy, maître de conférences à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, près du HuffPost.
« Son objectif est aussi de semer le doute chez les électeurs indécis, en faisant croire à une manipulation du camp Biden », poursuit le spécialiste de la politique américaine. Cependant, cela révèle une situation totalement « ironique »parce que » Trump accuse Biden et Harris d’avoir détourné de l’argent de la Fema, alors qu’il a lui-même utilisé les fonds de l’agence en 2019 pour construire des camps de détention pour immigrants illégaux.
Côté démocrate, on joue la carte de « l’empathie »
Si cette stratégie peut plaire aux Américains en colère contre la politique de Biden, elle pourrait également se retourner contre Trump. En effet, plusieurs élus républicains ont déjà affiché leur désaccord avec cette campagne de désinformation. Le républicain Chuck Edwards, qui représente un district de Caroline du Nord durement touché par les inondations liées à l’ouragan Helen, a dénoncé « rumeurs scandaleuses » défendu par « Des sources peu fiables essayant de semer le chaos. » Des discordances au sein des Républicains qui ne sont pas bon signe pour Trump…
Du côté de la candidate démocrate et vice-présidente Kamala Harris, la stratégie choisie est complètement différente. Elle veut être sur le terrain pour montrer qu’elle est au chevet des populations sinistrées. « Harris essaiera de porter du mieux possible son costume de numéro deux des Etats-Unisjuge le chercheur belge Serge Jaumain, qui nuance : Je ne pense pas que cette démarche ait un effet considérable sur le vote des Américains, car c’est Joe Biden qui est actuellement aux commandes. »
L’ancien procureur pourrait néanmoins bénéficier des retombées positives d’une bonne gestion de l’ouragan Milton par le président démocrate, juge, de son côté, Jérôme Viala-Gaudefroy. « L’empathie est le point fort de Joe Biden et cela peut apporter des points de popularité aux démocrates »analyse celui qui a travaillé sur le succès du climato-scepticisme aux Etats-Unis.
L’ouragan Sandy a été élu démocrate en 2012
Les deux chercheurs font également un parallèle avec l’élection présidentielle américaine de 2012, lorsque l’ouragan Sandy avait balayé le New Jersey le 29 octobre, une semaine avant le scrutin. Barack Obama, alors très bas dans les sondages, a su tirer son épingle du jeu » en troquant sa casquette de candidat contre celle de président », souligne Serge Jaumain.
Barack Obama avait alors refusé de calculer les conséquences électorales de l’ouragan, se disant préoccupé par le sort des victimes : «Je ne m’inquiète pas à ce stade de l’impact sur les élections. Je m’inquiète de l’impact sur les familles et les premiers intervenants. Je m’inquiète de l’impact sur notre économie et sur les transports. De même, Joe Biden a donné la priorité à la gestion de l’ouragan Milton, annulant un voyage en Allemagne et en Angola pour être présent aux États-Unis. Kamala Harris a également annoncé qu’elle allait interrompre son partenaire pour le rejoindre.
« Nous sommes donc confrontés à deux histoires différentes, celle de l’empathie et de la prévenance du côté de Biden-Harris et celle de la force du côté de Trump »résume Jérôme Viala-Gaudefroy, ajoutant qu’il faudra plus de recul pour évaluer vers qui tournera un vent favorable.
Cependant, si l’on poursuit l’analogie avec l’élection présidentielle américaine de 2012, on sait que l’ouragan Sandy a soufflé en faveur du vote démocrate. Tout comme Trump, le candidat républicain Mitt Romney avait critiqué la Fema, jugeant l’agence fédérale « immoral » et trop cher. Et puis l’ouragan a frappé, et des milliers de personnes ont eu besoin de l’aide fédérale. Les chances de victoire de Mitt Romney ont été anéanties et Barack Obama a été réélu. Celui qui sème le vent récolte la tempête.
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