La réunion devait être l’occasion d’établir la dizaine de « principes » qui pourraient servir de base à une coalition avec des alliés jusqu’ici insaisissables. Mais le projet de programme rédigé la veille dans la douleur, et qui servait de document de travail, a été rapidement rangé dans les sacs à main et les mallettes des députés présents ce jour-là. Mercredi 10 juin, en fin de matinée, la réunion des parlementaires de Renaissance, qui devait se concentrer sur les engagements programmatiques du groupe, s’est vite transformée en guerre de position entre deux camps.
D’un côté, les partisans d’une élection immédiate de leur nouveau président, alors que les autres groupes politiques de l’Assemblée nationale ont désormais presque tous choisi leur chef. De l’autre, ceux qui plaident pour Renaissance d’établir un projet politique en priorité et de reporter le choix de leur représentant à une étape ultérieure. À première vue, la querelle paraît anecdotique. Mais elle a donné lieu à une confrontation tendue dans la très feutrée salle Colbert du Palais-Bourbon entre le Premier ministre, Gabriel Attal, et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En arrière-plan, les deux rivaux de toujours se disputent la future présidence du groupe.
Tout au long de la rencontre, les deux hommes ont exposé leurs arguments en faveur de l’une des deux options. Pour le Premier ministre, il est urgent que Renaissance ait un chef de file à l’Assemblée nationale, afin de peser dans les discussions sur les coalitions alors que les négociations battent leur plein sur la portée de la future majorité. De son côté, le ministre de l’Intérieur plaide pour que les préalables indispensables à tout accord de gouvernement soient établis, reportant l’élection d’un nouveau bureau à septembre.
Derrière cette bataille, deux lignes politiques s’affrontent. M. Darmanin regarde à droite, ayant déjà exprimé son souhait d’exclure les écologistes de tout accord gouvernemental. Gabriel Attal, lui, prône toujours « le dépassement »Des républicains aux communistes. Mais la brouille masque mal les ambitions personnelles des deux héritiers d’Emmanuel Macron, tous deux convaincus que leur avenir politique à court terme passera par le Palais-Bourbon. Capitalisant sur son crédit accumulé auprès des députés après la campagne, Gabriel Attal voudrait battre le fer tant qu’il est encore chaud. Tout le contraire de Gérald Darmanin, qui ne peut rivaliser avec la cote de popularité du Premier ministre, lui qui a encouragé le chef de l’Etat à dissoudre l’Assemblée nationale. « Darmanin les a dissous, Attal les a sauvés »résume un élément clé de la Renaissance.
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