entre diagnostic et alerte, Édouard Philippe livre sa franche analyse de la situation en Nouvelle-Calédonie
Alors que le président de la République est en déplacement express pour annoncer une mission de dialogue, son ancien Premier ministre livre son diagnostic de la situation et ses recommandations.
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L’avertissement d’Édouard Philippe. Emmanuel Macron est attendu en Nouvelle-Calédonie dans la soirée du mercredi 22 mai, en compagnie de hauts responsables, sans personnalité politique et donc sans son ancien Premier ministre. Ces derniers jours, à droite comme à gauche, mais aussi sur place, nombreux sont ceux qui ont demandé le retour d’Édouard Philippe pour gérer le dossier. L’ancien Premier ministre s’est beaucoup impliqué sur le sujet lorsqu’il était à Matignon. Lors d’un meeting mardi soir à Bayonne, il n’a pas hésité à donner sa vision du dossier et à lâcher ses coups, en toute discrétion.
Messages codés voire cryptés, le style d’Édouard Philippe est connu. Cette fois, les allusions sont bien plus claires. L’ancien Premier ministre, dernier chef de gouvernement à s’être réellement saisi du dossier calédonien, raconte sa visite là-bas il y a deux mois : «D’abord, la conviction qu’il existait une crise économique extrêmement forte et qui n’était pas suffisamment comprise à Paris. Après les événements, aujourd’hui, c’est pire. Et aussi, à mesure que la tension augmentait, elle explosait. Et aussi qu’un accord était encore possible »dit Édouard Philippe.
Il joue l’air de « Je te l’avais dit », tandis que début mai, avec deux autres anciens Premiers ministres, Édouard Philippe a appelé Matignon à se saisir du dossier. En effet, historiquement, les premiers ministres ont géré ce dossier difficile et surtout « dans l’exercice de leurs fonctions, ils se sont abstenus de prendre partirappelle Édoard Philippe, car à la fin de l’accord de 1988-1998, l’État était partie prenante au processus, mais devait se placer derrière un voile d’impartialité. »
L’allusion n’est pas flagrante mais « ce voile d’impartialité », les indépendantistes ont critiqué l’exécutif pour l’avoir déchiré ces deux dernières années. Ils contestent notamment l’arrivée au gouvernement d’une élue loyaliste, Sonia Backes, et récemment la nomination d’un autre loyaliste, Nicolas Metzdorf, comme rapporteur du projet de loi constitutionnelle. Ce projet a été l’étincelle qui a déclenché la violence.
Après ce diagnostic sévère, Édouard Philippe apporte également des recommandations. Là encore, ils diffèrent de ce que propose le gouvernement actuel. Pour Édouard Philippe, l’élargissement du corps électoral ne peut pas être une fin en soi. « Il faut donc inventer le prochain cadre, le cadre qui permettra de déterminer ce que deviendra la Nouvelle-Calédonie dans les 20, 30, 40, 50 prochaines années », il croit. Un cadre qui sera plus difficile à trouver qu’il y a trois mois, se plaint-il encore tout en assurant qu’il peut être trouvé.
Pour cela, il faut donc « dialogue »encore une prise de distance avec Emmanuel Macron qui menace de convoquer le Congrès pour adopter la révision constitutionnelle fin juin.
« Ce qui compte le plus, c’est l’accord politique. Ce n’est pas le droit qui doit s’adapter à l’accord politique, ce n’est pas l’équilibre des pouvoirs qui résultera ou non de l’accord politique. C’est toujours l’accord politique. »
Édouard Philippe, ancien Premier ministreen réunion mardi 21 mai à Bayonne
« Tous ceux qui veulent se placer en dehors de cette logique rencontreront, à mon avis, d’amères déceptions », affirme l’ancien Premier ministre. Et pour presque lancer un avertissement : « J’espère que les annonces du président seront à la hauteur de la situation. » Édouard Philippe, qui ne sera pas le médiateur sollicité par les Insoumis, choisit cette fois la parole directe. S’il veille toujours à ne pas trop se différencier du chef de l’Etat, il semble cette fois assumer la responsabilité de jouer son propre rôle.