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Enfin, la loi contre la force criminelle

C’est un événement d’une grande importance universelle comme la décision du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de demander un mandat d’arrêt contre Netanyahu, le ministre Gallant et les dirigeants du Hamas pour crimes de guerre. Puis la décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) d’exiger la fin immédiate de l’action militaire à Rafah.

Déjà, les réactions de chaque parti sont tellement significatives ! Les dirigeants du Hamas, également visés, font appel de cette décision. De leur côté, après avoir menacé personnellement les juges et leurs familles, Netanyahu et ses dirigeants insultent tout le monde, menacent, voire qualifient l’ONU d’« organisation terroriste ». Mais cela reste avant tout un moment de bonheur. L’idée que l’ordre international peut rendre justice aux crimes de guerre les plus graves, et qu’une puissance comme celle dirigée par Benjamin Netanyahu est contrainte par cette justice, est un grand moment d’humanité. La loi contre la loi du plus fort.

Il y a quelques mois nous fêtions Robert Badinter aux Invalides après son décès. Un communautarisme dur, sectaire et insultant pour LFI a entouré l’événement. Meyer Habib, pléthorique, a défilé sans aucun respect ni pour l’occasion, ni pour le protocole républicain, ni pour ses collègues députés de tous bords. En embrassant Bardella, il s’est quand même donné le droit de s’en prendre publiquement à un Manuel Bompard passionné. Déjà, je savais quelle serait pour moi la revanche de cette histoire. Ce serait le jour où la justice internationale frapperait à la porte des criminels. Je n’ai jamais douté que ce jour viendrait, tant la durée des crimes en cours et l’isolement toujours croissant de Netanyahu et de ses alliés dans le monde sont énormes.

Je peux maintenant dire ce qui était déjà sur ma langue et dont je me suis abstenu de parler pour ne pas transformer les funérailles d’un homme admirable en bagarre, surtout quand il y a des fous comme ce député dégoûtant qui traînent autour du cercueil. Je savais que je pourrais dire : « Ce qui se passe, c’est ce que voulait Robert Badinter ! » « . Parce qu’il a été l’un des fondateurs de cette Cour pénale internationale. Et il a considéré sa reconnaissance par les nations comme un immense pas en avant dans la conscience universelle. Méditant sur le sujet et traitant du sens de la Shoah, il a conclu dans un discours :  » Voilà donc le message : « Souvenez-vous-en et apprenez-en. » Cet enseignement est double et constant. Elle est double car, bien sûr, il y a le rappel de ce qui doit interdire à jamais le crime contre l’humanité, la conscience de ce qu’il signifie, le caractère monstrueux de l’acte, et aussi le caractère terrible de l’indifférence qui, trop souvent, , permet l’acte. » L’indifférence est le premier rouage de la banalité du mal comme le démontre Badinter. Car il dira à ce sujet : « l’indifférence, d’une certaine manière, est toujours complice du crime, et la vigilance et la mobilisation (et je m’adresse aux plus jeunes) sont un devoir. C’est aussi cet appel que nos frères et sœurs de l’ombre nous envoient au-delà de la nuit. Dans ce monde trop souvent plein d’indifférence, nous ne devons plus accepter l’impunité des criminels contre l’humanité. C’est désormais un devoir de toute l’humanité, et aucune raison politique ne peut empêcher la Cour pénale internationale qui a été créée pour lutter, à travers la punition des criminels contre l’humanité, que justice et mémoire, nécessairement, se rejoignent. » Badinter n’a pas limité le mot génocide à la Shoah. Au contraire !  » Génocides, il a dit, ne s’est pas arrêtée à la libération du camp d’Auschwitz, il y a 60 ans. Le monde a continué, au-delà de l’Europe, à connaître des génocides et je n’ai pas besoin de vous le rappeler, si l’on jouait les carillons tragiques du XXème siècle si souillé de crimes contre l’humanité, on retrouverait le génocide cambodgien, et le génocide rwandais il y a quelques années. »

Ces excuses pour la Cour pénale internationale, Je l’avais entendu dire par Badinter lui-même dans la salle de conférence du Sénat. Il nous a expliqué directement le sens de l’événement qu’était la création de ce tribunal alors que nous nous préparions à voter sa création au congrès parlementaire de Versailles. La leçon m’a inspiré dans chaque décision et choix que j’ai fait le 7 octobre et depuis. Car entre-temps, il y a eu l’opération « Plomb durci » contre Gaza en 2009. J’ai eu l’occasion d’en tirer des leçons. J’étais pleinement attaché aux droits des Palestiniens parce que l’accusation de crimes de guerre était déjà là, formulée par un rapport des observateurs de l’ONU. Mais il n’y a eu aucune suite. Déjà, il visait à la fois les dirigeants du Hamas et déjà le Premier ministre israélien de l’époque, Ehud Olmert. Avant, il y avait eu des rapports faisant état de Human Rights Watch, deAmnesty Internationalet les organisations israéliennes de défense des droits de l’homme comme B’Tselem Et Briser le silence. Mais le rapport de l’ONU a largement détaillé l’enquête. Cette mission d’enquête des Nations Unies était dirigée par le juge Richard Goldstone. Il était un ancien membre de la Cour constitutionnelle sud-africaine et procureur des deux tribunaux spéciaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie. Un spécialiste. Sa mission a passé six semaines dans la bande de Gaza suite au conflit. Un reportage sérieux donc.

Il a déjà montré un comportement hautement criminel de l’armée d’Ehud Olmert. Parce que cela démontre que les infrastructures civiles sont déjà délibérément ciblées, notamment les mosquées, les hôpitaux, les écoles et les stations d’épuration. Déjà l’usage illégal d’armes interdites comme les bombes au phosphore. Déjà le blocage et le ciblage de l’acheminement de l’aide humanitaire, la destruction délibérée de la production alimentaire et du bétail. Le rapport Goldstone a particulièrement souligné le ciblage de zones à population dense et sans défense par des avions, des chars, des hélicoptères et de l’artillerie. Déjà, nuit et jour, depuis une semaine, Gaza était bombardée. Tout au long du conflit, les soldats d’Olmert ont, en quelque sorte, « délibéré et prémédité », a causé la mort de travailleurs humanitaires et détruit des ambulances. Mais il y avait aussi autre chose. Selon ce rapport de l’ONU, ils étaient coupables « des abus systématiques et continus, des atteintes à la dignité de la personne, des traitements humiliants et dégradants contraires aux principes fondamentaux du droit international humanitaire et des droits de l’homme. » Il était déjà clair que « la manière dont ces civils sont traités s’apparente à une punition collective (…) et équivaut à des mesures d’intimidation et de terreur (…), à de graves violations des Conventions de Genève et (constitue) un crime de guerre ». Il n’y a alors eu aucune poursuite. Mais je cite tout cela pour dire pourquoi nous craignions le pire après l’annonce de « l’action armée » (terme de la CIJ) par le Hamas ce matin du 7 octobre. Non seulement sur ce qui venait de se passer mais aussi sur ce qui allait se passer ensuite. On ne savait rien d’autre que le fait que des groupes du Hamas avaient pénétré à cinq kilomètres de Gaza. Énorme. Il était facile de deviner quelles seraient les représailles, compte tenu de ce que « Plomb Durci » nous avait appris. La démarche restée sans suite après « Plomb durci » a néanmoins montré une voie.

Dans une logique « non alignée » qui est la nôtre, il fallait déployer immédiatement une stratégie de combat conforme à ce principe. Autrement, comme nous le savions, les discussions sur la guerre constitueraient une exigence de haute pression en faveur d’un alignement sans conditions. La leçon de « Plomb durci » est qu’une voie crédible et active pourrait exister sur le plan juridique. Nous avons donc immédiatement décidé de nous placer dans le sillage du droit contre celui de la force. Lutter contre les crimes de guerre plutôt que d’entrer dans la discussion des délires du discours de « choc des civilisations » et son lutte du « bien contre le mal » ou de la « civilisation contre les barbares » et ainsi de suite. Dès mon arrivée en France après mon retour du Maroc, j’ai détaillé les arguments de cette ligne d’action à Bordeaux. En effet, on connaissait l’effet attendu de l’alignement sur le vocabulaire et la grammaire du choc des civilisations. Ce serait l’importation directe du conflit du Moyen-Orient dans les pays laïcs sous la forme d’islamophobie. Et la division du peuple sur la base insurmontable d’un conflit religieux. Notre stratégie de lutte a rapidement rejoint le mouvement initié par l’Afrique du Sud avec la saisine de la Cour Internationale de Justice. Aujourd’hui, la mobilisation des opinions suite à l’initiative sud-africaine a permis à la Cour pénale internationale d’agir. Il cible les gens. C’est-à-dire les dirigeants directement responsables de la situation. Dès lors, on voit comment dans la lutte citoyenne, les points d’appui sur le droit international fonctionnent comme le levier d’une stratégie concrète efficace. Cette fois, le prouve.

Attention aux sceptiques et aux habituels « bla-bla » des gens blasés. Non, le droit contre la force et la justice contre les dirigeants ne vont pas sans force. Ils ne sont pas purement symboliques. Nous voyons l’effet. La Cour pénale internationale cible les gens. Ils ne peuvent plus quitter leur pays et même là, ils risquent également d’être expulsés vers les juges. La force de la loi est alors contagieuse. On le voit ainsi lorsque l’autre juridiction, celle de la justice internationale (CIJ), qui vise les États, ordonne désormais à Netanyahu de cesser immédiatement son action à Rafah. La réponse immédiate de ce dernier consiste à bombarder un camp de réfugiés. Circonstance aggravante. Car le résultat de l’injonction de la CIJ est clair : tout ce que fait l’armée à Rafah peut désormais être considéré comme un crime de guerre. Et il en va de même pour chaque individu qui y participe. Ainsi tous les binationaux de tous pays, enrôlés dans l’armée criminelle, pourront donc être arrêtés et inculpés dès leur retour dans le pays d’où ils sont partis pour commettre ces crimes. Ce n’est pas rien. Et ceux qui font campagne en faveur de l’action des criminels risquent eux-mêmes d’être poursuivis pour « apologie des crimes ». Par exemple Meyer Habib contre qui il est désormais possible de porter plainte après chacune de ses prestations médiatiques où s’exprimeront ses sympathies génocidaires. Sur le plan moral, notre siècle et chacun de nous sont mis à l’épreuve : qui aura le dernier mot : les criminels ou la justice qui les poursuit ? Je redonne la parole à Robert Badinter (2008) pour situer la problématique. « Lutter contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité, dont les victimes se comptent par milliers, dizaines de milliers, centaines de milliers, et parfois même plus, est l’impératif moral catégorique de tous ceux qui croient aux valeurs fondamentales de la démocratie. et les droits de l’homme.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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