endurance, aérobic, nutrition… La préparation précise des chevaux olympiques
Début juin, au Jumping international de La Baule, l’un des derniers grands événements précédant les Jeux de Paris 2024, les principales têtes d’affiche ont préservé leurs chevaux olympiques. Maxime Livio, le numéro un des Bleus en concours complet, a pris les rênes d’une monture prêtée par un ami. Ensemble, ils terminent sur la deuxième marche du podium. « J’ai commis une petite erreur de conduite sur une ligne, ce qui a provoqué une incompréhension de ce cheval que je découvrais en action. Nous manquions de réglages et d’automatisation »il admet.
Le cavalier de 36 ans, qui fut sélectionneur de l’équipe nationale de Thaïlande aux jeux de Tokyo en 2021, aurait pu choisir d’autres chevaux dans sa ferme de Dénezé-sous-Doué (Maine-et-Loire), près de Saumur. « Mais venant de participer à d’autres compétitions, je ne voulais pas les priver de leur temps de repos. » A l’issue des Championnats d’Europe 2023, il a pris la décision radicale – en concertation avec le staff de l’équipe de France – d’épargner Api, son compagnon de voyage pour cinq ans, afin qu’il soit en pleine possession de ses moyens à Versailles en juillet prochain. . Sophie Dubourg, la directrice technique nationale de la Fédération française d’équitation (FFE), laisse une grande liberté aux cavaliers en la matière, « qui connaissent leur cheval par cœur, ressentent ses moments de force et de faiblesse.
« On s’est dit que ce serait bien qu’il fasse une saison un peu plus légère après deux années assez intenses. » justifie Maxime Livio. « Api est un travailleur acharné, qui ne demande jamais de répit. Il faut parfois savoir doser la répétition des efforts. En cinq ans, il s’adapte très vite au haut niveau. Par contre, ça lui a mis un peu de pression. » A moins de six semaines des Jeux, il ne regrette pas ce choix : « Lever le pied lui faisait le plus grand bien. »
Priorité à la prévention des blessures
Cette année, ce duo d’athlètes était inscrit à trois compétitions, dont une à l’étranger. Prudent, le treizième mondial n’a pas recherché la performance à tout prix : «Je me suis concentré sur le dressage et le saut d’obstacles et j’ai couru le cross tranquillement pour muscler son corps sans lui mettre de pression. Aujourd’hui, je me sens prêt. J’avais parfois l’impression qu’il me disait qu’on pouvait aller plus vite. »
Il emmènera Api au championnat de France à Vittel, du 20 au 23 juin, dernière épreuve avant l’annonce officielle de la sélection de l’équipe de France qui sera dévoilée le 9 juillet. Son objectif sera au moins un nouveau podium : « Il est temps de le mettre dans le rythme de la compétition. »
Durant cette année, il n’aura rien laissé au hasard. Avec ses équipes, il a proposé à Api une préparation sur mesure, avec comme principale préoccupation la prévention des blessures. Les cadences d’entraînement – séances de fitness, de saut d’obstacles et de dressage – ont été réglées comme sur des roulettes.
Routine et entraînement adaptés selon les disciplines
« Les chevaux de sport de haut niveau ont besoin de routine. explique Jean-Philippe Camboulives, directeur des solidarités à la Fédération équestre internationale (FEI) depuis 2021, qui a dirigé de nombreuses sélections étrangères (Ukraine, Russie, Afrique du Sud, Brésil). Cependant, la fréquence et l’intensité des entraînements ainsi que des compétitions varient selon les disciplines.. « Entre le dressage, le concours complet ou le saut d’obstacles, ils ne font pas les mêmes efforts. C’est comme pour un athlète humain : un marathonien, un triathlète ou un athlète du 400 mètres haies n’auront pas le même entraînement. explique Sophie Dubourg.
Malgré ces spécificités, la préparation des chevaux présente des traits communs. En hiver, le personnel met les bouchées doubles sur l’endurance ou l’aérobic. « Ensuite, les séances se concentrent sur l’énergie, l’explosivité et la puissance. » développe le directeur technique national de la FFE. Les cavaliers disposent d’un arsenal de données et d’outils numériques mesurant la santé de leur monture. Des capteurs placés sur les membres ou sur la croupe contrôlent la locomotion de l’équidé, sa fréquence cardiaque et fournissent de précieuses informations sur la régularité de son « pas-trot » après un effort important.
« Leur nourriture est également calculée et pesée. Tout est suivi par des nutritionnistes spécialisés comme tout sportif de haut niveau. » souligne Jean-Philippe Camboulives. Durant la phase de repos, c’est au tour des kinésithérapeutes équins, qui pratiquent des massages de récupération ou d’étirement, d’apparaître. « Quand ils voient ces gens arriver dans leur box, les chevaux se détendent au premier regard », observe Sophie Dubourg.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux cavaliers se sont installés sur le littoral, attirés par les bienfaits de la mer et de la thalassothérapie pour leurs chevaux. Les galops de préparation sur la plage, en plein air ou la marche en eau salée ont démontré leurs bienfaits pour leur épanouissement.
Les sciences du comportement, pilier de la préparation
S’appuyant sur l’éthologie et les sciences du comportement, des équipes de haut niveau veillent également à la santé mentale des équidés. Outre le vétérinaire, le maréchal-ferrant, le kiné, parfois le logisticien chargé du transport, le palefrenier – une sorte de palefrenier – chouchoute l’animal au quotidien. Il fournit des observations souvent cruciales au cavalier. Dans les écuries royales de Versailles, ces « super-nounous » joueront un rôle clé.
Aux Jeux Paralympiques, un autre acteur apparaît : le « cavalier-école », dont la mission est de monter et d’échauffer le cheval des para-cavaliers présentant un handicap de grade 1 à 3 – parmi les plus sévères – vingt minutes avant le début d’une épreuve. . « Certains handicaps empêchent le cavalier de galoper ou d’effectuer toutes les allures (figures). Lors de l’entraînement, cette personne permettra le développement musculaire du cheval. C’est un travail d’équipe, en trio », résume Alexia Pittier, qui espère participer aux Jeux en para-dressage avec Sultan, son cheval. Atteinte d’une maladie musculaire, son handicap a été relevé au grade 4. Elle fait donc partie des para-cavaliers capables d’afficher un bon équilibre général sur le dos d’un cheval : « A l’entraînement, quand j’ai des périodes de douleurs, mon entraîneur me prend le relais. Nous disposons de codes et d’équipements particuliers pour que les chevaux adaptent leur comportement en fonction de la personne qui les guide. »
Sophie Dubourg compare ces effectifs particulièrement bien fournis à ce qui se pratique dans les écuries de Formule 1 : « Toutes les équipes sont doublées. Mais, en équitation, c’est le seul sport où deux êtres vivants doivent collaborer et se comprendre sans parler le même langage. »
Cette organisation minutieuse est le secret de la réussite au plus haut niveau. Car pour Maxime Livio, les chevaux méritent d’être considérés comme «les vraies stars des écuries». « Un cheval sans cavalier reste un cheval, alors qu’à l’inverse, un cavalier sans cheval n’est qu’un homme. Tous nos espoirs et nos rêves dépendent uniquement d’eux. »