Encombrant héritage de la colonisation, les cocotiers posent de sérieux problèmes aux atolls du Pacifique
Avec ses noix caractéristiques, suspendues comme des grappes aux aisselles de ses longues paumes, on aurait pu croire qu’elle était là depuis toujours. L’image des atolls, ces îles plates formées de récifs coralliens, est en effet souvent associée à celle du cocotier, emblème par excellence des plages paradisiaques.
Mais si le Cocos nucifera est cultivée par les peuples insulaires du Pacifique depuis la nuit des temps, offrant à la fois sa chair, son lait, son huile et ses fibres, les immenses cocoteraies qui s’étendent aujourd’hui d’une côte à l’autre sont principalement le fruit de la colonisation européenne.
L’huile de coprah, extraite de l’amande contenue dans la noix, a été exportée dans le monde entier pendant près de deux siècles, avant d’être concurrencée par l’huile de palme. Pour la plupart abandonnées, les plantations insulaires représentent désormais un lourd héritage en matière de biodiversité, souligne une étude publiée le 4 décembre dans la revue Environmental Research Letters.
Pas de nid pour les oiseaux marins
A partir d’images satellite, ses auteurs, des chercheurs de l’Université de Californie – Santa Barbara (UCSB) et de l’ONG The Nature Conservancy, ont dressé la toute première carte exhaustive de l’étendue des cocoteraies sur quelque 235 atolls du Pacifique (sur un total de 266 atolls).
Selon ce travail minutieux, les cocotiers représentent aujourd’hui plus de la moitié du couvert arboré de ces atolls (58,3 %). Parmi elles, la moitié correspondent à des monocultures, c’est-à-dire des plantations constituées quasi exclusivement de Cocos nucifera.
Or, non seulement ces plantes puisent les eaux souterraines, mais en plus peu d’oiseaux marins sont capables d’y construire leur nid, souligne l’étude. Les arbres à feuilles caduques indigènes se retrouvent confinés à une infime fraction de leur aire de répartition naturelle, offrant ainsi un abri très limité aux oiseaux dont le guano fertilisait autrefois à la fois le sol et l’océan.
« C’est un problème car le remplacement des forêts de feuillus par des monocultures de noix de coco a été associé à l’épuisement des eaux souterraines, au déclin des populations d’oiseaux marins et à des effets néfastes sur les coraux adjacents aux récifs. »explique l’auteur principal Michael Burnett, doctorant à l’UCSB, dans un communiqué de presse.
Restaurer les forêts naturelles
Au-delà de leur dominance parmi les plantes, les cocotiers couvrent actuellement près d’un quart de la surface totale des atolls cartographiés (24,1 %). Un chiffre à relativiser avec la déforestation pour l’huile de palme, qui se poursuit pourtant aujourd’hui : en 2015, 10,8 % des terres de Bornéo avaient été converties en monocultures de palmiers à huile.
Que faire maintenant de ces champs abandonnés : production de cocotiers, restauration des forêts de feuillus, ou encore « toute autre voie intermédiaire » ? Les cartes fournies par l’étude se veulent un « premier pas » pour aider les communautés des atolls du Pacifique « visualiser » l’état de leur végétation et « évaluer » les meilleures options possibles.
« Les noix de coco et les cocotiers sont profondément ancrés dans la vie et les moyens de subsistance des personnes et des communautés du Pacifique »note Elizabeth Terk, directrice de la conservation en Micronésie pour The Nature Conservancy (communiqué de presse).
« Cependant, la restauration des forêts indigènes (…) apporte des avantages écologiques inestimables, tels que la récupération de la biodiversité et la résilience climatique »nuance-t-elle. Et pour résumer :
Trouver un équilibre entre le patrimoine culturel et la gestion environnementale est essentiel pour garantir un avenir durable.
GrP1