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« En voiture Simone » : qui était la pilote extraordinaire, Simone des Forest ?



La trajectoire de Simone des Forest, pilote hors pair, qui a donné son nom à la célèbre expression populaire «Monte dans la voiture Simone, c’est toi qui conduis, c’est moi qui klaxonne », L’histoire de Simone des Forest, qui embrasse parfaitement le rapport qu’ont eu les femmes avec l’automobile, de ses débuts à la Belle Epoque jusqu’à la fin des Trente Glorieuses. Si elle n’est pas la première femme à obtenir son permis de conduire, Simone Louise des Forest peut se targuer d’avoir mené une longue et impressionnante carrière de pilote professionnelle, qui l’a conduite sur les circuits de nombreuses courses célèbres. Intrépide, accro à l’adrénaline et gorgée de records, Simone des Forest s’engagea dans l’effort de guerre, avant de fonder une auto-école à laquelle elle consacra la fin de sa vie.

La mobilité, facteur d’émancipation

Tout commence au château de Fontorte, où naît en 1910 Simone Louise Pinet de Borde des Forest, dans une famille aisée, avec un père capitaine de cavalerie. La fin du XIXe siècle, qui voit apparaître les premiers véhicules automobiles, s’inscrit dans un contexte d’euphorie générale en faveur des sciences, des techniques et de l’innovation. Les ingénieurs, entourés de prestige, dévoilent leurs curieuses inventions dans un monde presque exclusivement masculin. Seules leurs épouses profitent de temps à autre de leur travail.

En 1873 par exemple, Amédée Bollée, épouse de, conduit la voiture « Obéissante » lors d’un trajet Paris-Le Mans. Dix ans plus tôt, le couple Lenoir avait effectué un aller-retour Paris-Joinville-le-Pont, sur un tricycle à essence. Les années 1880 offrent aussi aux femmes la possibilité de voyager seules, grâce à la bicyclette, et de gagner en autonomie en sortant de la sphère privée dans laquelle elles étaient confinées. Quelques années avant l’émergence, puis la généralisation de l’automobile au sein de la haute société, la bicyclette a contribué à faire évoluer les mœurs et à façonner l’image d’une nouvelle femme, même si la société d’avant la Belle Époque restait éminemment patriarcale.

Dans ce contexte, deux figures tutélaires de femmes prêtes à renverser les clichés de leur rang émergent. Elles serviront sans doute d’exemple à Simone des Forest, tant ces pionnières lui ressemblent. Marie Adrienne Anne Victorienne de Rochechouart de Mortemart, plus connue sous le nom de duchesse d’Uzès, devient la première femme française à obtenir en 1897 son certificat d’aptitude à la conduite de véhicules (instauré en 1893 et ​​réservé aux hommes), ancêtre du permis de conduire. L’Echo de Paris commente l’événement avec condescendance dans ses colonnes :

La duchesse d’Uzès vient d’être certifiée, oui certifiée, et conductrice d’automobile qui plus est ! Ce n’est pas anodin, n’est-ce pas ? Le fait n’en demeure pas moins très vrai (…) Quand la duchesse d’Uzès sera-t-elle membre de l’Automobile Club de France ?

Son attirance pour la conduite, la vitesse et les sensations fortes est considérée comme une forme d’excentricité, tolérée en raison de son statut d’aristocrate. Le journal parisien ne pouvait pas avoir plus raison. En 1926, la duchesse fonde l’Automobile Club Féminin de France, pied de nez à la version masculine, ouverte en 1895, qui n’admet toujours pas de femmes parmi ses membres, plus d’un siècle plus tard.

Camille Desinge, dite Camille du Gast, deuxième visage féminin de l’automobile de la Belle Epoque, était avant tout une sportive accomplie. Elle fut si enthousiasmée par sa découverte de l’automobile qu’elle participa à toutes les premières courses internationales du début du XXe siècle, Paris-Berlin, Paris-Vienne, Paris-Madrid. passe-temps lui ouvre les portes du cercle intime des pilotes de course, qui sera plus tard rejoint dans son sillage par Simone des Forest.

Pour Simone, l’automobile, une passion immédiate

En 1905, la France comptait 21 523 automobiles et, avant la Grande Guerre, en 1914, les femmes titulaires du permis de conduire représentaient un micro-phénomène et ne concernaient que les plus privilégiées des échelons supérieurs. Les quatre années de conflit ont cependant changé la donne avec le départ massif des hommes au Front et l’enlisement des tranchées. Chargées de contribuer à l’effort de guerre, les femmes ont remplacé leurs maris dans leurs postes de mécaniciennes, d’ambulancières, de tracteurs, de chauffeurs d’autobus et de taxis et ont progressivement gagné leur place au volant, avant que le Conseil supérieur du travail ne les restreigne à nouveau. L’institution a voté à l’unanimité en 1927 l’interdiction pour les femmes de conduire les transports publics.

Dans les années d’après-guerre, alors qu’elle entre tout juste dans l’adolescence à douze ans, la jeune Simone se retrouve pour la première fois conductrice dans la voiture de son oncle. Sa passion pour la machine est immédiate, et quelques années plus tard, elle obtient à son tour son certificat de capacité féminine, dans la première auto-école réservée aux femmes, créée à Versailles par Suzanne Amélie Meyer. Un exploit, car en 1924, seuls 3 % des permis sont délivrés à des conductrices. Le chiffre atteint 10 % en 1932, puis 15 % en 1939, selon le sociologue Yoann Demoli, dans la revue Travail, genre et sociétés. La distribution du permis de conduire est restée marginale tout au long de la première moitié du XXe siècle.

Une carrière distinguée

La jeune fille, âgée de 19 ans, est bien décidée à suivre les traces de ses deux illustres aînées, la duchesse d’Uzès et Camille de Gast. La première course à laquelle elle participe, la Côte de la Baraque, près de Clermont-Ferrand, constitue un second tournant. Elle deviendra pilote professionnelle. Les années 1930 la voient participer à de nombreuses courses et rallyes dans toute la France, aux côtés de sa mère, à qui on demande d’être sa copilote. Simone bénéficie également du soutien total de sa famille et sa mère n’hésite pas à l’accompagner en compétition.

Les deux femmes débutent par Paris-Vichy, avant de se lancer sur les 960 kilomètres de Paris-Antibes-Juans-les-Pins, à bord du modèle Rosengart de son père. Puis, avec son amie Fernande Hustinx, Simone des Forest s’aventure, aux commandes d’une Peugeot 301, sur la route du Rallye de Monte-Carlo, le plus prestigieux de l’époque. Lors de cette course, chaque équipage doit s’élancer de sa ville d’inscription avant de rejoindre Monte-Carlo dans un temps moyen imposé par les organisateurs. Le duo s’élance de Bucarest, traversant des routes difficiles avant de rejoindre Monaco. En plus de remporter la Coupe des Dames, elles arrivent en 17e position au classement général. Ce périple inspire à Simone un carnet de voyage, intitulé 3772 kilomètres parcourus par deux jeunes filles, dont elle s’illustre elle-même. En 1937, elle s’associe à Odette Siko, Claire Descollas et Hellé Nice pour réaliser des essais de vitesse sur l’autodrome de Montlhéry. Les quatre pilotes battent 25 records du monde, parcourant plus de 30 000 km à une vitesse moyenne de 140 km/h.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Simone des Forest met ses compétences au service de la Croix-Rouge, et conduit des camions. Après l’armistice, elle reprend la compétition. Forte de son expérience au sein de l’ONG, la pilote participe au Championnat de France sur route, dont elle obtient la 10e place. Jusqu’en 1957, année où elle termine sa carrière sans le moindre accident, de multiples courses internationales comme la Mille Miglia en Italie complètent son palmarès.

Retirée du rallye, elle décide de se consacrer pleinement à l’école de conduite qu’elle a fondée en 1950, d’autant que les femmes y sont encore largement sous-représentées. Seules 22 % d’entre elles obtiennent leur permis en 1967. Elle y enseigne pendant 25 ans, découvre avec enthousiasme l’aviation et passe son brevet de pilote. Si les Trente Glorieuses ont achevé de démocratiser l’automobile, les femmes conduisent encore moins que les hommes. En 1981, seule une femme sur deux possède le permis de conduire, contre trois hommes sur quatre. Il est certain cependant que le succès de Simone des Forest a suscité des vocations.

GrP1

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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