L’annonce n’est pas une surprise : par un décret lapidaire, la présidence ukrainienne a annoncé le 9 mai le limogeage du chef du département de la protection de l’État, une institution discrète chargée de surveiller la sécurité des plus hautes figures du pouvoir ukrainien, le président Volodymyr Zelensky. inclus. Pas de surprise, car l’annonce est tombée deux jours après une autre, bien plus retentissante : celle de l’arrestation samedi dernier de deux colonels du département accusés d’avoir préparé des attentats contre Volodymyr Zelensky, le chef du renseignement militaire. Kyrylo Budanov, ainsi que le chef du puissant Service de sécurité ukrainien (SBU), Vasyl Maliouk.
Recrutés par le FSB, principal service de sécurité russe, avant le début de l’invasion russe, les deux hommes seraient responsables de « rechercher des bourreaux au sein de l’armée proche de la protection du président, qui auraient pu prendre le chef de l’Etat en otage avant de le tuer », a déclaré le SBU dans un communiqué. Selon l’agence, ils faisaient partie d’un réseau de renseignement russe plus vaste.
Sans évoquer le complot visant le président ukrainien, le SBU a cependant détaillé la tentative d’assassinat prévue contre Kyrilo Budanov, des extraits de conversations entre les officiers arrêtés et leurs officiers qui les soutiennent. Le très populaire chef du renseignement militaire devait, selon le SBU, être tué avant Pâques : une première frappe de missile aurait touché une maison où se trouvait le lieutenant général, puis un agent recruté par le FSB et localisé à proximité aurait déployé un kamikaze. drone pour tuer d’éventuels survivants, avant qu’une seconde frappe de missile n’efface les traces. « Cela fera un sandwich : missile, oiseau (drone, ndlr), missile », a résumé dans un enregistrement une voix identifiée par le SBU comme appartenant à Dmitri Perline, l’un des agents chargés du dossier du FSB.
Les espions russes sont passés entre les mailles du filet
L’attaque «devait servir de cadeau à Poutine pour sa nouvelle investiture», a assuré le chef du SBU, Vasyl Maliouk. Son échec ne serait que le dernier d’une longue série de tentatives visant les dirigeants politiques et militaires de l’appareil d’État ukrainien : le mois dernier et en août 2023, le SBU a annoncé l’arrestation de personnes accusées d’avoir préparé une telle tentative, tandis que le président de Kyrilo Boudanov Sa femme a été hospitalisée en novembre dernier après une tentative d’empoisonnement.
Mais, en Ukraine, l’affaire remet aussi sur la table le sujet de l’infiltration par les services de renseignement russes des différents centres du pouvoir ukrainien. Le titanesque SBU, où travaillaient près de 30 000 personnes avant la guerre, avait la réputation d’être infiltré par des espions russes, au point de pousser le service à créer, après 2014, un département spécial et compartimenté pour coopérer avec la CIA. C’était, a raconté le Washington Post dans une longue enquête publiée en octobre, pour rassurer les services américains réticents à voir leurs informations transmises à Moscou. Et si le SBU et d’autres services ukrainiens ont connu depuis une multitude d’épurations, certains espions sont passés entre les mailles du filet : l’un des deux colonels arrêtés par le SBU samedi dernier a déclaré qu’il espionnait pour le compte de Moscou depuis dix longues années.