FETHI BÉLAÏD / AFP
Le président tunisien Kais Saied a été réélu largement avec près de 90 % des voix le 6 octobre 2024.
INTERNATIONAL – Le diable est dans les détails. Le président sortant en Tunisie Kaïs Saïed, accusé de « dérive autoritaire » par l’opposition et la société civile, a remporté l’élection présidentielle ce dimanche 6 octobre, écrasante et sans surprise avec plus de 89% des voix, selon les sondages à la sortie des urnes. Il ne s’agit cependant pas d’un plébiscite, car le taux de participation est très faible.
Selon les données de l’institut Sigma Conseil diffusées à la télévision nationale, Kaïs Saïed a obtenu 89,2% des voix au premier tour, écrasant le deuxième candidat, Ayachi Zammel, un industriel libéral méconnu du grand public qui n’a obtenu que 6,9% des voix. les votes. Le troisième, un député de la gauche panarabe Zouhair Maghzaoui, 59 ans, n’a obtenu que 3,9% des voix, selon Sigma. Les résultats officiels préliminaires sont attendus lundi après-midi.
S’exprimant dimanche soir dans son QG de campagne, Kaïs Saïed a déclaré, sur un ton martial, qu’il voulait «continuer la Révolution de 2011» et construire « un pays débarrassé des corrompus et des complots ». « La Tunisie restera libre et indépendante et n’acceptera jamais l’ingérence étrangère »il a ajouté.
L’autorité électorale Isie a néanmoins annoncé une participation de 27,7% contre 45% il y a cinq ans au premier tour. Le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a jugé ce taux « respectable »alors qu’il s’agit du taux le plus bas pour un premier tour de l’élection présidentielle depuis le renversement du dictateur Ben Ali en 2011 dans ce pays qui fut le berceau des soulèvements démocratiques du Printemps arabe.
Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui sont les seuls autres candidats
Seuls Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui, seconds couteaux selon les experts, ont été autorisés à affronter Kaïs Saïed, 66 ans, sur 17 candidats initialement, licenciés pour irrégularités présumées. L’opposition, dont des personnalités sont en prison, et des ONG tunisiennes et étrangères ont critiqué un vote faussé en faveur de Kais Saied.
Ayachi Zammel n’a pas pu faire campagne car il est incarcéré depuis début septembre et purge trois peines de plus de 14 ans de prison pour des soupçons de faux parrainages. Quant à Zouhair Maghzaoui, il était considéré « un compère » car il porte un projet souverainiste de gauche similaire à celui de Kaïs Saïed qu’il soutenait jusqu’à récemment.
« La légitimité de l’élection est nécessairement entachée lorsque les candidats susceptibles de faire de l’ombre à M. Saied ont été systématiquement exclus »L’analyste politique tunisien Hatem Nafti a commenté pour l’AFP, soulignant également qu’il « C’est la pire participation depuis 2011 ».
« Faible légitimité démocratique »
Le processus de sélection des candidats a été très contesté en raison du nombre élevé de parrainages requis, de l’emprisonnement de candidats potentiels connus et de l’éviction par l’Isie des principaux rivaux du président, dont Mondher Zenaidi, ancien ministre du régime de Ben Ali.
Pour l’expert français du Maghreb Pierre Vermeren, même avec une si forte abstention, « légitimité démocratique » de cette élection est » faible « , « La Tunisie a un président et la majorité des Tunisiens se laissent faire ». Il a noté des analogies avec l’Algérie voisine, « où personne ne remet en cause le président » Abdelmadjid Tebboune.
Après l’annonce des résultats des urnes, environ 400 partisans du président sont sortis célébrer sa victoire, agitant des drapeaux et sa photo devant le théâtre municipal du centre de Tunis en scandant « Les gens veulent à nouveau Kais ».
« Les partisans du président Kaïs Saïed jubilent déjà à Tunis après que les résultats d’un sondage à la sortie des urnes ont indiqué sa réélection pour un second mandat avec 89,2% des voix lors de l’élection présidentielle d’aujourd’hui. Les résultats officiels préliminaires seront annoncés demain par l’autorité électorale. »
Kaïs Saïed, élu en 2019 avec près de 73 % des voix (et 58 % de participation), était encore populaire lorsque ce spécialiste du droit constitutionnel à l’image incorruptible s’est emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre face à l’instabilité politique. .
Trois ans plus tard, de nombreux Tunisiens lui reprochent d’avoir consacré trop d’énergie à régler des comptes avec ses opposants, notamment le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant durant la décennie de démocratie qui a suivi le renversement du dictateur Ben Ali en 2011.
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