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En Tunisie, « des réfugiés traqués, tabassés »

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Ben Gardane, Zarzis (Tunisie), envoyé spécial.

Ras Jedir, poste frontière avec la Libye au sud-est de la Tunisie, à 590 km de Tunis, restera une tache sombre dans l’histoire des migrations en provenance des pays du Sahel. C’est de là qu’hommes, femmes et enfants ont été transportés de force par les autorités tunisiennes, puis abandonnés dans le désert dans des conditions effroyables, contraints de rejoindre la Libye et interdits de rebrousser chemin. Certains d’entre eux ont succombé au supplice d’une mort lente de soif, de faim, d’épuisement. Les images ont inondé les réseaux sociaux. Ils font l’objet de démentis officiels, mais les témoignages sont nombreux qui attestent de la réalité de l’horreur.

A Ben Gardane, ville fourmilière à 32 kilomètres de la frontière avec la Libye, les habitants préfèrent ne pas trop s’attarder sur le sujet. « Pas besoin de se perdre dans des discussions interminables », résume un commerçant de cette plaque tournante des trafics en tous genres, haut lieu des passeurs, comme pour chasser la malédiction. Néanmoins, la question des migrants reste plus que jamais d’actualité. « Ils arrivent par vagues quotidiennes, difficile de connaître les chiffres exacts, mais on peut parler de centaines de personnes, majoritairement des jeunes en bonne santé »affirme Mohcen Lachihb, secrétaire général de l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) locale, non sans rappeler, avec insistance, que son organisation avait appelé à des manifestations pour dénoncer « des actes de racisme dans la capitale et à Sfax ».

Ce vent de folie a été soulevé par les événements survenus dans cette ville portuaire à 270 km à l’est de Tunis. Les propos du président Kaïs Saïed, mardi 21 février, sur une supposée « plan criminel visant à modifier la composition du paysage démographique de la Tunisie (…), à donner résidence aux subsahariens » avait déclenché un feu de haine parmi une partie de la population. La ville est devenue l’épicentre de graves exactions contre les subsahariens, traqués, humiliés, tabassés, dépouillés, emprisonnés arbitrairement. Un jeune Tunisien avait perdu la vie le 3 juillet lors d’affrontements, un migrant avait été poignardé à son domicile quelques semaines plus tôt.

« On dit que les autorités se partagent désormais les tâches avec les Libyens pour un traitement plus humain »

Dans la zone frontalière, les autorités ont décidé de changer de méthode et de communication. Après avoir condamné par voie de communiqué du ministère des Affaires étrangères un « Campagne de désinformation malveillante et de propagation de rumeurs », ils ont chargé le Croissant-Rouge tunisien d’aider les migrants bloqués à la frontière. « On dit que les autorités se partagent désormais les tâches avec les Libyens pour un traitement plus humain, jusqu’à ce que les choses se calment sans doute», commente Mohcen Lachihb, qui dit « ne te fais pas d’illusions » . Des témoins qui ont traversé la frontière confirment Humanitél’aide de cet organisme.

Mais où vont ces migrants qu’on ne voit nulle part à Ben Gardane ? « Lorsqu’ils franchissent la frontière là où ils le peuvent, ou là où ils sont conduits, ils tracent la route de Zarzis (ville côtière située à 45 km – ndlr). Ils s’y rendent à pied, car il est interdit à quiconque de les transporter. Les barrages de police sont réguliers » , explique le syndicaliste. Pour rencontrer des migrants, il faut rejoindre Zarzis. Plusieurs dizaines d’entre eux campent en effet devant le siège du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), non loin des villas et des piscines des hôtels où barbotent les touristes. Ils sont regroupés à l’ombre des oliviers ou des bâtiments en construction pour se protéger du soleil. Ils viennent du Soudan, d’Ethiopie, de Guinée, du Tchad, du Niger, du Nigeria…

Une marche de quatre jours dans le désert

Khalid, 24 ans, originaire du Soudan, se présente comme le « porte-parole » de ses compagnons, en pointant le téléphone :  » Pas de photos ! « Les autres ne quittent pas des yeux les portes de l’establishment onusien. A chaque ouverture, tout le monde bondit. Il faut arriver à s’inscrire pour espérer toucher les 20 dinars tunisiens alloués pour la semaine (5,89 euros), avoir une attestation permettant d’être soigné en cas. « Nous avons marché pendant quatre jours pour atteindre la frontière tunisienne. Nous avons pu avoir de la nourriture et de l’eau sur le chemin, grâce aux caravanes de secours »dit Khalid . « Mais les journalistes savent tout ça » , dit-il avec un grand sourire. Oui, mais où vont-ils ? Silence et regards qui se croisent. « Europe, Europe, Europe ! »martèle l’un d’eux. « Ici, la plupart sont diplômés »il ajoute.

Les portes du HCR se rouvrent, un nouveau mouvement dans ce sens. Impossible de glaner la moindre information auprès des réceptionnistes. Les gardes de sécurité et les policiers armés, quant à eux, parlent fort. Il faut sortir rapidement et ne jamais revenir. « Mieux vaut ne pas insister », recommande Mohamed Djélouli, militant du Parti des travailleurs. La Garde nationale tunisienne a indiqué avoir intercepté 34.290 migrants depuis le début de l’année à fin juin, contre 9.217 sur la même période de 2022. Les migrants stationnés dans ces lieux dorment dans la rue. « Trouver où dormir la nuit, on n’y pense même pas. Nous nous débrouillons pour les toilettes. Mais les passants nous donnent parfois des biscuits, des bouteilles d’eau., reprend Khalid. Il existe en effet un abri géré par le HCR dans un quartier périphérique de la ville, mais avec une capacité très limitée. « Les groupes essaient de s’organiser pour se mettre à l’abri à tour de rôle » il explique.

Les passeurs se frottent les mains

Singularité surprenante : non loin de cet endroit se trouve le Café d’Art, un établissement dont la clientèle est exclusivement Subsaharienne. Mokhtar, le propriétaire accueille à bras ouverts. « Je suis peintre et céramiste. Je peins et j’apprends aux autres à peindre. »La présence de migrants ? « Sûrement parce que je fais le café à moitié prix, mais ils consomment beaucoup d’électricité », plaisante-t-il en désignant les chargeurs de téléphone. Ils sont bien là, près d’une centaine dans une grande salle, regroupés autour de prises électriques. « Vous comprenez, c’est ce qu’ils ont de plus précieux, avec ça ils reçoivent même de l’argent », juge utile de préciser le locataire. On a vite deviné que le Café d’Art est un endroit idéal pour la surveillance policière.

Moussa est tchadien, il invite à une table où se pressent déjà plusieurs de ses compagnons. Il parle plus ou moins français et se dit  » financier «  . Sont-ils si nombreux chaque jour ici ? « Ça va et vient, on ne sait pas vraiment. Il y a des gens qu’on ne reverra pas du jour au lendemain. On ne se pose pas trop de questions. » Vont-ils partir ? Moussa hoche la tête, pointant en direction de la mer. Les regards se croisent à nouveau en silence. Le rappel que, dans la nuit du jeudi 10 août au vendredi 11 août, 41 personnes, dont trois enfants, ont péri en mer, les laisse insensibles à la détresse qui a conduit ces jeunes à risquer leur vie. A Ben Gardane, les passeurs, qui sont comme des poissons dans l’eau, se frottent les mains.

Le peintre détaille son parcours. « Vous n’en trouverez pas d’autres comme moi », il insiste. « Et Ahcène n’a-t-il pas créé le Musée de la Mémoire de la Mer et de l’Homme ? »Mohamed tranche soudainement. Une grande collecte a commencé en 1995 d’objets de toutes sortes ramenés sur la plage de Zarzis au fil des naufrages. Un lieu qui a été répertorié dans le livre Guinness des records en 2002.

Les autorités tunisiennes entendent tourner la page du traitement barbare des Subsahariens vivant sur leur territoire (80 000 selon Tunis) et de ceux qui y pénètrent illégalement. Ils ont annoncé jeudi avoir trouvé un accord avec leur voisin libyen pour « partager les groupes de migrants présents à la frontière ».Plusieurs associations humanitaires ont estimé que près de 300 migrants sont bloqués depuis un mois près du poste frontière de Ras Jedir. Ils s’interrogent aussi sur le long terme. Car le « partenariat stratégique » signé entre Tunis et Bruxelles pour 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration clandestine comprend une enveloppe de 15 millions. Celui-ci est destiné à financer le « retour volontaire » de 6 000 migrants subsahariens de Tunisie vers leur pays d’origine et a coïncidé avec « l’expulsion » de milliers de migrants vers les zones désertiques aux frontières avec la Libye et l’Algérie. Comme le président turc en 2015, Kaïs Saïed a réussi à monétiser le sort des migrants.

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Cammile Bussière

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