En Tunisie, arrestation de deux autres chroniqueurs pour avoir critiqué la situation dans le pays
Au lendemain de l’arrestation violente de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani poursuivis pour des motifs similaires, la justice tunisienne a décidé, dimanche 12 mai, de placer en détention deux chroniqueurs ayant exprimé des critiques sur la situation dans le pays, a appris l’Agence France-Presse (AFP) auprès d’un avocat.
Arrêtés samedi soir, Borhen Bssais, présentateur de télévision et de radio et Mourad Zeghidi, chroniqueur, « font l’objet d’un mandat de dépôt de quarante-huit heures »selon Me Ghazi Mrabet. « Ils devront comparaître devant un juge d’instruction », a-t-il ajouté à l’AFP. Selon l’avocat, M. Zeghidi est poursuivi « pour une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle il soutenait un journaliste arrêté (Mohamed Boughalleb, condamné à six mois de prison pour diffamation envers un fonctionnaire) et des déclarations dans des émissions de télévision depuis février.
Mourad Zeghidi est commentateur politique à la télévision et travaille avec Borhen Bssais, qui présente des émissions sur des chaînes de radio et de télévision privées. Les motivations exactes de l’arrestation de M. Bssais n’ont pas été établies mais, selon l’avocat, il a également été arrêté en vertu de l’article 54, promulgué en septembre 2022 par le président tunisien, Kaïs Saïed, pour réprimer la production et la distribution de « fausses nouvelles »mais critiqué par les défenseurs des droits de l’homme car il est sujet à des interprétations très larges.
Poursuites contre plus de soixante détracteurs du pouvoir
En un an et demi, plus de soixante personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saïed, auteur d’un coup d’Etat en juillet 2021 par lequel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, ont fait l’objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.
C’est en vertu du même décret 54 que l’avocate Sonia Dahmani fait l’objet de poursuites et a été arrêtée samedi soir suite à une intervention ironique à la télévision, alors qu’elle s’était réfugiée à la Maison des avocats. La scène a été filmée en direct par une équipe de la télévision publique française France 24 mais a été interrompue par l’intervention de policiers cagoulés.
Jeudi, l’avocate a reçu une convocation, à laquelle elle n’a pas répondu, devant un juge d’instruction sans que les motifs soient précisés, suite à une intervention ironique à la télévision. L’Association nationale des avocats a condamné samedi soir devant la presse ce qu’elle a qualifié de « une invasion (depuis son siège) et une agression flagrante »exigeant la libération immédiate de Mmoi Dahmani et annonçant une grève régionale à partir de lundi.
France 24 a protesté dans un communiqué contre le fait que ces policiers aient « J’ai arraché l’appareil photo de son trépied » et arrêté pour « une dizaine de minutes » son caméraman. La chaîne internationale francophone condamnée « fermement cette entrave à la liberté de la presse et cette intervention brutale et intimidante de la police empêchant ses journalistes d’exercer leur métier ».
Lors d’une émission télévisée mardi, Sonia Dahmani a lancé de manière ironique « De quel pays extraordinaire parlons-nous ? »en réponse à un autre chroniqueur qui affirmait que des migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie, une déclaration jugée par les internautes comme « dégradant » pour l’image du pays.
Répression des migrants subsahariens et de leurs partisans
Par ailleurs, plusieurs ONG d’aide aux migrants ont fait l’objet de contrôles la semaine dernière et la présidente de l’association antiraciste Mnemty (« mon rêve »), Saadia Mosbah, a été placée en garde à vue le 6 mai pour des soupçons de blanchiment d’argent.
Mmoi Mosbah et son association avaient été en première ligne pour la défense des migrants d’Afrique subsaharienne en Tunisie après un violent discours en février 2023 du président Saïed dénonçant l’arrivée de « des hordes de migrants illégaux » dans le cadre d’un complot « pour changer la composition démographique » du pays.
Lundi, M. Saïed a réitéré que son pays » ne sera pas(il) pas de terre pour installer ces gens » Et » assurer(il) ne pas être un point de passage ». Il a également attaqué « associations et organismes » qui reçoivent, selon lui, « Des sommes astronomiques venues de l’étranger ». Avec la Libye, la Tunisie est l’un des principaux points de départ de l’émigration clandestine vers l’Italie.
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Une manifestation convoquée par la coalition d’opposition du Front du salut national pour exiger « des élections libres et équitables » cet automne, et « la fin de la destruction systématique du pays »Ils ont rassemblé environ trois cents personnes dimanche, selon des journalistes de l’AFP. « Arrêtez l’État policier » Ou « Sortez, sortez Kaïs Saïed ! »scandaient les manifestants.