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En Syrie, la chute de Bachar al-Assad met fin à cinq décennies de régime autoritaire et sanglant

« La Syrie est à nous, ce n’est pas la famille Assad ! » Dans les rues de Damas, c’était l’heure de la liesse, dimanche 8 Décembre. Quelques heures plus tôt, des rebelles menés par des islamistes radicaux annonçaient à la télévision publique la chute du président Bachar al-Assad et du pouvoir. « libérer » de la capitale syrienne, après une offensive fulgurante.

« Après cinquante ans d’oppression sous le pouvoir de (faire la fête) Baas et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd’hui la fin de cette ère sombre et le début d’une nouvelle ère pour la Syrie. »» ont déclaré les rebelles. Franceinfo revient sur ces cinq décennies de dictature, qui ont profondément marqué le pays.

Avant Bachar al-Assad, il y avait son père, Hafez al-Assad. A la tête du parti Baas, il impose un régime opaque et paranoïaque lors d’un putsch le 16 novembre 1970, où le moindre soupçon de dissidence peut envoyer quelqu’un en prison.

Hafez al-Assad a emprisonné le président déchu, Noureddine al-Atassi, pendant vingt-trois ans. Une nouvelle Constitution adoptée l’année suivante fait du parti Baas le « leader de l’État et de la société »et établit le « référendum présidentiel ».

La famille al-Assad, en 1985, comprenant le président Hafez (assis), son épouse Anissah Makhlouf (assise) et son fils Bachar (2e en partant de la gauche). (AFP)

Élu président de la République par référendum en 1971, Hafez al-Assad le restera jusqu’à sa mort en 2000. Pendant trois décennies, le pays se referme sur lui-même. : l’opposition et la presse sont muselées, les manifestations interdites et l’état d’urgence déclaré.

En février 1982, le gouvernement réprime dans le sang une insurrection des Frères musulmans, sa bête noire, dans la ville de Hama, au centre du pays. En raison d’un black-out médiatique, les estimations du bilan humain varient entre 10 000 et 40 000 morts. « Il a fallu plus de trois semaines aux forces syriennes, qui ont utilisé l’artillerie et les blindés, pour réprimer ce soulèvement, au prix de destructions et de pertes humaines considérables. Selon des témoignages, plus de 10 000 soldats ont été mobilisés. »rapporte France 24.

Hafez al-Assad est décédé le 10 juin 2000 après plus de vingt-neuf ans de présidence. Son fils Bachar n’était pas destiné à lui succéder, mais son destin a radicalement changé lorsque l’aîné de la fratrie, Bassel, est décédé dans un accident de la route en 1994.

L’ophtalmologiste de formation accède ensuite au sommet de l’État à 34 ans, soit moins que l’âge requis pour accéder à la plus haute fonction, alors fixé à 40 ans. Les opposants dénoncent l’avènement d’un « République héréditaire ». Mais Bachar al-Assad prend les rênes du pays, sans avoir été démocratiquement élu. En l’absence d’opposition, le nom du candidat à la présidentielle est proposé par le parti, puis soumis à référendum. A chaque élection, Hafez puis son fils Bachar al-Assad sont ainsi « élu » avec plus de 90% des voix.

Le président Bachar al-Assad salue ses partisans, après avoir prêté serment, devant le Parlement à Damas, le 17 juillet 2000. (LOUAI BESHARA / AFP)

L’arrivée au pouvoir de son fils Assad est pourtant synonyme d’espoir au sein de la population. « La succession au début des années 2000 était annoncée à l’époque avec la promesse de réformes »observe pour franceinfo Myriam Benraad, professeur de relations internationales à l’Université internationale Schiller.

« Bachar al-Assad avait lancé une politique de promotion des jeunes entrepreneurs. Il voulait d’abord se débarrasser des vieilles structures du régime.»

Myriam Benraad, professeur de relations internationales à l’Université internationale Schiller

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Bachar al-Assad incarne alors pour de nombreux Syriens en quête de liberté l’image d’un réformateur, capable de mettre fin à des années de répression et d’instaurer une économie plus libérale dans ce pays au contrôle étatique étouffant. Au début de sa présidence, le jeune dirigeant apparaissait en public au volant de sa voiture ou dînant au restaurant seul avec son épouse.

Il assouplit certaines des restrictions imposées par son père. « Des centaines de prisonniers d’opinion sont libérés et des forums de discussion fleurissent dans tout le pays »rapporte à nouveau Le monde .

L’image du réformateur s’est dissipée avec l’arrestation et l’emprisonnement d’intellectuels, d’enseignants ou d’autres adeptes du mouvement réformateur, à la fin d’un bref « Printemps de Damas ». Lorsque le Printemps arabe s’est étendu à la Syrie en mars 2011, des manifestations pacifiques ont appelé au changement. « Plus populaire que Ben Ali ne l’était (en Tunisie) et Moubarak (en Egypte)le président syrien se croit à l’abri d’un soulèvement général. Il laisse ses forces de sécurité tirer, rassembler et torturer les manifestants, ce qui contribue à propager la colère. »rappelle Le monde.

Les rebelles de l'Armée syrienne libre participent à une manifestation contre le pouvoir de Bachar al-Assad le 7 mai 2012 à Qousseir, dans la région de Homs. (AFP)

Dans le cadre des réformes promises, le gouvernement syrien a cependant annoncé la tenue d’un référendum le 26 février 2012 sur une nouvelle Constitution qui met fin à la prédominance du parti Baas et instaure théoriquement le pluralisme politique. Trop peu pour calmer la colère.

Bachar al-Assad, qui est également commandant des armées, mène alors une répression brutale qui se transforme en guerre civile. Durant la guerre, qui a fait plus de 500 000 morts et déplacé la moitié de la population, le leader est toujours resté ferme sur ses positions. « Le régime a toujours été autoritaire et répressif. La répression n’était pas militarisée au début, elle l’est devenue à partir de 2012. A partir de ce moment, les forces démocratiques qui réclamaient une transition ont été mises en action en marge par les factions les plus dures »note Myriam Benraad.

Bachar al-Assad parvient également à écraser toute résistance grâce à l’usage d’armes chimiques. Le 21 2013 août 1 200 Des habitants de la Ghouta, l’un des quartiers en première ligne de la rébellion contre le régime, dans la banlieue de Damas, sont morts asphyxiés après une attaque au gaz sarin.

Cette attaque a conduit les États-Unis, la France et le Royaume-Uni à planifier des bombardements sur des positions stratégiques pour le pouvoir avant qu’un accord de dernière minute ne soit finalement trouvé entre Washington, Moscou et Damas.

En 2014, le groupe État islamique (EI), venu d’Irak, a conquis de nombreux territoires en Syrie, notamment en prenant Raqqa, qu’il a proclamée capitale. Au fil des mois, une coalition internationale contre le groupe islamiste, dirigée par les États-Unis, s’est formée.

« En 2015, La Russie s’engage directement sur le champ de bataille aux côtés de Bachar al-Assad, qui a officiellement demandé l’aide de Moscou, reconnaissant la fatigue de son armée qui a essuyé plusieurs défaites, se rapporte Le Figaro. Présente militairement en Syrie notamment grâce à sa base navale de Tartous, l’armée russe est un soutien crucial pour Damas qui va commencer à engranger d’importantes victoires.

Grâce au soutien de ses sponsors iraniens et russes, le chef de l’Etat syrien réussit alors à reconquérir les deux tiers du territoire. En 2017, le groupe EI perd Raqqa, tandis que deux ans plus tard, le chef du mouvement, Abou Bakr al-Baghdadi, se suicide avec son gilet explosif lors d’une opération des forces spéciales américaines.

Même au plus fort de la guerre civile, le président syrien reste imperturbable, convaincu de sa capacité à écraser une rébellion qu’il dénonce comme « terroriste » et les fruits de« un complot » éclos par des pays ennemis pour le renverser.

Les combattants jihadistes restent toutefois opérationnels dans certaines zones, même s’ils ne contrôlent plus le territoire. Fin 2024, les rebelles, dont les jihadistes du groupe Hayat Tahrir al-Sham dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, reprennent les combats contre les forces loyalistes et gagnent en quelques jours. Le président syrien est en fuite.

Syrie : la capitale aux mains des rebelles islamistes

« Ce qui est surprenant, c’est l’effondrement de ce qui reste de l’armée syrienne, mais aussi le retrait et la fin du soutien de ses deux alliés »L’Iran et la Russie, a déclaré à franceinfo le directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen, Hasni Abidi.

Le régime de Bachar al-Assad a « a perdu ses derniers remparts, les militaires et la population, ce qui a facilité la tâche de cette opposition ». Parmi les symboles les plus forts de la chute de Damas figure la libération de la sinistre prison de Saidnaya, où des milliers d’opposants à la dynastie al-Assad ont été emprisonnés, torturés et assassinés.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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