En Suisse, la «capsule du suicide assisté» suscite de vives inquiétudes
Il s’agit d’une capsule au design futuriste, dont l’apparence évoque un film de science-fiction. Il ne s’agit pourtant pas d’une chambre cryogénique permettant d’échapper à une éventuelle apocalypse, mais d’une capsule destinée à tuer son hôte. Présentée début juillet comme étant la première boîte permettant de se suicider sans aide extérieure, la controversée mini-cabine baptisée « Sarco » devait être utilisée pour la première fois en Suisse le 17 juillet par une Américaine d’une cinquantaine d’années. « Cette mort anticipée a finalement été reportée », « Nous avons été très touchés par la situation », a indiqué dimanche 28 juillet dans un communiqué l’association suisse The Last Resort, qui milite pour la libération de « Sarco ». Cette décision fait suite à la dégradation de l’état psychique du patient, a ajouté l’organisation.
La non-altération du discernement et la capacité à s’administrer soi-même le liquide létal, prescrit par un médecin, sont en effet les critères majeurs du suicide assisté. Celui-ci est légal en Suisse depuis 1942 – contrairement à l’euthanasie – ou plutôt non criminalisé, et ce à une condition : la personne qui assiste la personne qui veut mourir (par exemple un bénévole d’une association d’aide à mourir qui serait allé chercher, sur prescription médicale, la substance létale que le patient ingérera lui-même) ne doit pas être motivée par un « mobile égoïste ». Comme l’espoir d’un héritage, par exemple. « Quiconque, poussé par un mobile égoïste, incite une personne au suicide ou l’aide à se suicider, sera puni, si le suicide a été réalisé ou tenté, d’une peine privative de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans ou d’une peine pécuniaire. » L’euthanasie est interdite par l’article 115 du Code pénal. L’euthanasie est interdite par l’article 114 du Code pénal.
D’autres garde-fous encadrent cette pratique : la personne doit faire valider son dossier médical par un médecin, être atteinte d’une maladie incurable ; être en fin de vie ; être en grande souffrance ; être atteinte d’une maladie dégénérative ou de multiples pathologies invalidantes liées à l’âge. Les candidats atteints d’une maladie psychiatrique doivent recourir à une expertise approfondie afin d’évaluer leur capacité de discernement.
« La Tesla du suicide »
En préparation depuis plusieurs mois et censée être utilisée en Suisse cet été, la capsule d’assistance au suicide « Sarco » fait l’objet de vives polémiques quant à sa mise en œuvre pratique. Une fois à l’intérieur, le candidat au suicide doit appuyer sur un bouton, qui libère de l’azote, dont la saturation fait perdre connaissance à l’individu par manque d’oxygène, puis le fait mourir sans douleur, en quelques secondes. Les composants de « Sarco » étant biodégradables, il peut également servir de cercueil. Selon l’association The Last Resort, un examen psychiatrique pour prouver que la personne est en pleine possession de ses facultés sera nécessaire pour avoir accès à la capsule.
Développée par Philip Nitschke, un ancien médecin australien connu pour ses positions controversées sur le suicide et la fin de vie, « Sarco » a été surnommée la « Tesla du suicide » par un journaliste américain. Elle est loin de faire l’unanimité. Jean-Jacques Bise, coprésident d’Exit, qui est l’une des organisations suisses proposant du suicide médicalement assisté, estime que cette capsule risque de bouleverser le cadre juridique dans lequel évoluent les organisations qui dispensent cette mort médicalement assistée. « dans la dignité ». « C’est totalement surréaliste »a déclaré à l’AFP Jean-Jacques Bise.
Début juillet, il avait assuré au journal suisse Le Temps qu’aucune des associations d’aide au suicide en Suisse n’utiliserait la capsule Sarco. Il faut voir ce que l’on vit quand on accompagne avec notre soutien une personne qui est en train de mourir, accompagné de sa famille, de ses proches qui lui tiennent la main : il y a une humanité qui est loin d’exister avec cette machine. Le canton du Valais, au sud du pays, a déjà interdit l’utilisation de cette capsule.
Malgré les critiques, The Last Resort entend aller de l’avant. Le Dr Nitschke est occupé « à la présélection » de la prochaine personne qui pourra utiliser la capsule, selon le communiqué. En Suisse, les chiffres du suicide assisté sont en constante augmentation. En 2022, l’aide médicale à mourir représente 2,1% des décès en Suisse (soit 1756 personnes, soit 129 de plus qu’en 2022) – contre 1,2% en 2014 (soit 742 personnes).