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En Slovaquie, l’épuration du pouvoir dans les institutions

La table basse est installée dans un coin discret du gigantesque hall de la radio publique slovaque RTVS, une impressionnante pyramide inversée construite à l’époque communiste au cœur de Bratislava. Une simple bougie, une rose rouge et un ruban blanc avec l’inscription « derniers adieux ». « Portons ce ruban pour soutenir le RTVS comme nous le savons »explique le message accroché sur ce petit autel improvisé dédié à l’indépendance perdue de la radio et de la télévision slovaques.

Au siège de la Radio slovaque, on peut lire sur une note : « Chers collègues, nous portons des rubans aux couleurs de nos médias pour soutenir RTVS, afin qu'elle reste telle que nous la connaissons », à Bratislava, le 26 juin 2024.

« Nous ne sommes pas très optimistes, n’est-ce pas ? »» déclare Kristina Chrenkova, 35 ans, reporter depuis dix ans au département des affaires internationales. « Nous avons essayé de faire quelque chose, mais il faut reconnaître que le destin de notre institution est désormais irréversible »regrette cette grande brune à lunettes au regard triste. Mercredi 26 juin, il ne reste plus que quelques jours avant que la réforme de la radiodiffusion publique slovaque, tout juste adoptée dans la foulée par la majorité nationale-populiste du Premier ministre Robert Fico, n’entre en vigueur, lundi 1euh Juillet.

L’actuel directeur, qui sera immédiatement licencié, fait déjà ses valises. Son remplaçant sera désigné par un nouveau comité dirigé par le gouvernement. M.moi Chrenkova, qui garde dans un coin de son bureau ses pancartes en carton proclamant «Médias libres = pays heureux»vestiges des manifestations des dernières semaines, ne se fait pas beaucoup d’illusions.

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« Plusieurs collègues ont déjà commencé à partir, mais je n’ai pas de plan B. »s’inquiète ce leader du mouvement, qui relève que certains membres de la majorité ont déjà donné les noms de journalistes qu’ils rêvent de limoger. «Même Orban n’est pas allé si vite en Hongrie. »

Kristina Chrenkova, journaliste de la RTVS, avec des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Nous venons d'un monde à l'envers, mais nous ne sommes pas des idiots ! » ;  « Médias libres = pays heureux ! », à Bratislava, le 26 juin 2024.

Atmosphère de purge générale

A l’extérieur, les institutions de ce pays d’Europe centrale qui compte 5,5 millions d’habitants tombent en effet les unes après les autres sous les coups portés à une vitesse vertigineuse par le pouvoir. Dans les médias publics mais aussi privés, ministères, musées, justice et police, employés et fonctionnaires gênants sont licenciés par dizaines, dans une ambiance d’épuration générale qui a profondément transformé le pays en seulement neuf mois.

De retour au pouvoir en octobre 2023, après avoir passé trois ans dans l’opposition et frôlé la prison dans une affaire de corruption finalement classée, Robert Fico, 59 ans, ancien communiste devenu social-démocrate puis nationaliste, mène une vaste politique de revanche contre toute une partie des élites de son pays, avec l’aide de ses alliés de coalition du Parti national slovaque (SNS), parti d’extrême droite prorusse et complotiste.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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