La Croix : Le skateboard et son univers urbain sont-ils vraiment compatibles avec les Jeux Olympiques ?
Pierre-André Senizergues : C’est une vraie question que tous les skateurs se posent. Comment intégrer le côté « compétition » à l’aspect culturel qui vient du monde du skateboard ? La discipline vient de la rue, on commence avec des amis, on crée des communautés, on s’entraide. Que l’on vienne de différents niveaux sociaux n’a pas beaucoup d’importance, au final on se retrouve autour de ce sport, où se mélangent musicalité, art et liberté. Du coup, quand on ajoute la compétition, qui par nature est plus exclusive, certains craignent de ne pas y trouver leur place.
Lors des Jeux de Tokyo en 2021 (première apparition du skateboard aux JO, ndlr), de nombreux skateurs professionnels étaient frustrés et tristes car avec le Covid, les tribunes étaient vides et l’essence même du skateboard était dénaturée. Pour Paris 2024, j’ai eu la chance de rencontrer Tony Estanguet à Los Angeles pour discuter de la culture skate. Il a beaucoup écouté et ensemble, nous avons convenu qu’il fallait un lieu où l’art, la musique et le public seraient omniprésents pour faire découvrir cet univers au plus grand nombre.
Les épreuves des Jeux de Paris 2024 se dérouleront sur la place de la Concorde. Le lieu idéal pour cela ?
PAS : Avec le Concorde, il y avait l’idée d’offrir une véritable carte postale des Jeux. Pour le Comité international olympique (CIO), l’objectif était clair : il fallait de nouveaux sports qui susciteraient l’intérêt des jeunes. De tous les sports, le skateboard était l’un des plus regardés et des plus diffusé en continu pendant les Jeux de Tokyo. L’idée des Jeux était donc d’offrir un lieu qui parle au monde entier.
Reste qu’en tant que skateur, à Paris, il n’existe pas vraiment de skatepark ouvert où l’on puisse pratiquer au quotidien. En France, on compte un million de skateurs, dont environ 250 000 en Île-de-France. Lorsque le Concorde a été choisi, il y a eu une polémique car beaucoup estimaient qu’on gâchait l’opportunité d’installer, pour de bon, un skatepark digne de ce nom. Pour des raisons médiatiques, la collectivité a accepté ce choix mais a demandé en contrepartie que ce skatepark soit recyclé et réutilisé. Il sera repris par le département de la Seine-Saint-Denis. Il était important de ne pas gâcher ce patrimoine. Désormais, avec la promotion de plusieurs sports issus de la culture urbaine place de la Concorde, avec le BMX, le breakdance ou le basket 3X3, tout est là pour offrir aux spectateurs un aperçu de notre monde.
Ce samedi 27 juillet, les manifestations de rue commencent. Quelles sont les chances des Français ?
PAS : Chez les hommes, une médaille est possible. Alors que le Japon domine le skateboard, suivi des États-Unis et du Brésil, la France est dans le Top 4. En compétition, tout reste ouvert. Rappelons qu’Aurélien Giraud avait remporté le championnat du monde il y a deux ans devant les meilleurs skateurs et que Vincent Milou avait terminé quatrième, au pied du podium, il y a trois ans à Tokyo. Une blessure, un trick improbable, un run parfait… tous ces éléments peuvent alimenter l’espoir d’obtenir une médaille.
Chez les femmes, l’objectif sera plutôt de viser les Jeux de Los Angeles 2028, dans ce berceau du skateboard. Parmi les skateuses françaises, beaucoup sont très jeunes (Lucie Schoonheere, 14 ans, est la benjamine de la délégation française, NDLR). Elles gagneront en expérience à Paris mais qui sait, elles pourront peut-être décrocher une médaille.
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