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En Russie, des incendies de forêt gigantesques dans l’indifférence des pouvoirs publics

Le village de Novokursk touché par un incendie dans la région de Krasnoïarsk (Sibérie orientale), le 7 mai 2022.

Loin du front occidental de son « opération militaire spéciale » en Ukraine, le Kremlin est pris dans d’autres feux : les feux de forêt dans les vastes régions de l’est du pays. Touchant, comme par le passé, des régions reculées et peu peuplées, ils ravagent actuellement des superficies plus vastes que les années précédentes, ont annoncé les autorités le 10 juillet. Plus d’un million d’hectares de forêt ont brûlé, avec quelque 500 foyers à travers le pays, en Sibérie et dans l’Extrême-Orient russe, notamment en Iakoutie, dépassant de plusieurs dizaines, voire centaines de pour cent les prévisions annuelles.

Actifs plus tôt cet été en raison d’une canicule précoce et intense, ces incendies continuent de se multiplier avec, depuis le début de l’année, 6.000 foyers ayant détruit près de 3,5 millions d’hectares – l’équivalent de la superficie de la Normandie. Un décret gouvernemental avait fixé le maximum à 5,1 millions d’hectares pour l’ensemble de l’année 2024. Au rythme actuel, ce seuil pourrait être dépassé dès le 20 juillet.

« La taïga brûle… »se lamente entre autres Irina, une habitante de la région d’Irkoutsk, où les incendies ont déjà dépassé le seuil prévu (+ 328% de la superficie établie pour l’année). Le mondela jeune femme, qui ne souhaite pas être identifiée, répète ce que la population dénonce été après été depuis des années. « Le problème est mondial, à commencer par l’effondrement de notre industrie forestière et des moyens de protection, notamment aériens.elle regrette. Les forêts disparaissent. Mais le problème ne se limite pas à la forêt et à sa mauvaise gestion. Il se situe en grande partie dans l’esprit des populations et des autorités qui ne veulent ni le voir ni le combattre.

Des carences aggravées par le conflit en Ukraine

Les moyens pour lutter contre ces incendies font en effet cruellement défaut, et le conflit en Ukraine a aggravé ces carences. Les entreprises produisant du matériel de lutte contre les incendies ont quitté la Russie ou ont réorienté leur production vers le complexe militaro-industriel. De plus, des hommes, habituellement mobilisés l’été dans ces régions pauvres pour lutter contre les incendies, se sont enrôlés sur le front en Ukraine, attirés par des salaires généreux.

Contre la gestion des incendies, témoignages et critiques se multiplient sur les réseaux sociaux, dernier rare espace de liberté d’expression en Russie. Ainsi, par exemple, au nord du lac Baïkal, les habitants des villages de Chara, Novaya Chara et Ikabya, recouverts d’une épaisse fumée grise les empêchant de respirer normalement, racontent comment ils en sont réduits à combattre eux-mêmes les flammes, avec des seaux, des arrosoirs, des bouteilles, des pompes, des camions-citernes et même des pulvérisateurs de jardin. « Par désespoir, nous ferons tout pour nous protéger, dit une mère. Nous étouffons à cause des gaz de combustion, la visibilité dans les villages est nulle et les ours fuient la taïga ! Personne ne s’en soucie. En retour, les enquêteurs ont menacé de poursuites pénales certains de ceux qui s’exprimaient en ligne pour avoir « discrédité » les autorités.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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