En Roumanie, la percée d’un ultranationaliste sur fond de crainte d’une prolongation de la guerre
Voici comment le site « Le Grand Continent » décrivait hier le candidat arrivé en tête à l’élection présidentielle en Roumanie, Călin Georgescu : « spécialiste du développement durable, pro-russe, accusé d’antisémitisme, qui doit son surprenant succès à un Tik Campagne Tok ».
Tous les mots clés de notre époque sont là. On peut donc être à la fois écologiste, pro-russe, antisémite, et, moins surprenant, percer lors d’une élection grâce à Tik Tok, la plateforme sociale chinoise aux courtes vidéos addictives, où l’on apparaît à cheval, comme un judoka… comme un certain Vladimir Poutine.
Călin Georgescu est avant tout le candidat que personne n’a vu venir. Cet ultranationaliste aux positions négationnistes a été peu pris en compte par les sondages ; mais il laisse derrière lui le candidat officiel de l’extrême droite, arrivé quatrième ; et il est en tête pour le second tour dans deux semaines.
Il s’agit d’un nouveau choc politique dans un pays européen, et pas n’importe lequel : membre de l’UE et de l’Otan, bordant la mer Noire comme l’Ukraine et la Russie, hébergeant sur son territoire un bouclier antimissile américain et un contingent de l’Otan, dont 1 000 soldats français, sur place depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022.
Il faut d’abord préciser que cette avancée n’est pas isolée. La « surprise Georgescu » intervient après la victoire en Slovaquie de Robert Fico, un populiste proche de Viktor Orban, le premier ministre hongrois ami de Poutine et… de Trump ! Après les succès de l’extrême droite et d’un nouveau parti d’extrême gauche anti-guerre en Allemagne de l’Est ; et après des scores importants de l’extrême droite lors des dernières élections européennes.
Călin Georgescu est typiquement le candidat « antisystème » vers lequel se tournent les électeurs lorsqu’ils perdent confiance dans la classe politique traditionnelle, voire dans la démocratie libérale qui ne sait plus comment résoudre les problèmes.
Il y a bien sûr la singularité de chaque pays : en Roumanie, des socialistes de mauvaise réputation, des lointains héritiers de la dictature de Ceausescu, un système d’information déficient, une église orthodoxe conservatrice, un voisinage russe lourd…
La peur de la guerre, et surtout la peur de la prolongation de la guerre en Ukraine, constitue un puissant vecteur pour ceux qui en font le commerce. Et il faut dire qu’entre les menaces nucléaires de Vladimir Poutine, le dénigrement de l’Ukraine par les pro-russes et pro-Trump, et l’impact économique attribué au conflit, ils n’ont que l’embarras du choix.
La défense de l’Ukraine est certes moins audible, de plus en plus assimilée à une guerre impossible à gagner, aux risques d’escalade face à une puissance nucléaire… Dans la bataille des récits, c’est le camp pro-russe qui a le dessus. main .
Mais il faut aussi s’étonner de la passivité des démocrates « à l’ancienne », serait-on tenté de dire ; tout sur leurs querelles politiques pendant que leurs électeurs regardent ailleurs.
Les crises politiques dans les deux principaux pays de l’Union européenne, l’Allemagne et la France, sont de ce point de vue déconcertantes alors que tout autour d’elles s’affaiblit. La Roumanie est loin, mais elle est aussi le miroir déformant de ce qui se passe presque partout en Europe.