En pleine « lune de miel » économique, la Russie inflige un sérieux camouflet à la Chine
Les relations entre la Chine et la Russie sont-elles aussi fructueuses et solides qu’elles le paraissent ? Censés être à « l’heure d’or » de leur commerce bilatéral et face à un Occident communément accusé d’« impérialisme », Pékin et Moscou connaissent pourtant des « ratés » très remarquables dans cette amitié opportune.
Persona non grata Sur les marchés européen et américain, la Russie a réorienté massivement sa production et ses exportations d’hydrocarbures vers le marché asiatique. Un pari gagnant, semble-t-il, pour Moscou, car les chiffres sont clairs : les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine ont atteint le chiffre record de 240 milliards de dollars (221,78 milliards d’euros) en 2023, selon Reuters qui reprend les bilans de Pékin. C’est plus du double du chiffre de 2018 et dépasse de loin l’objectif de 200 milliards de dollars fixé pour 2024 par les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping.
La fin des beaux jours ?
Selon un rapport des douanes chinoises, les exportations chinoises vers la Russie, y compris les véhicules et les produits manufacturés, ont augmenté de 47 % pour atteindre 111 milliards de dollars sur la période. Les importations chinoises en provenance de Russie, notamment de pétrole, de gaz et de métaux, ont bondi de 12,7 % pour atteindre 129 milliards de dollars. L’excédent commercial de la Chine avec la Russie s’élève à 18 milliards de dollars.
« En peu de temps, la Chine a remplacé l’Union européenne en tant que plus grand acheteur d’énergie et fournisseur de biens de la Russie, donnant à la Russie à la fois de l’argent et les produits manufacturés dont elle a besoin pour survivre. »soulignaient les analystes Yanmei Xie et Thomas Gatley en février, dans une note pour la société de recherche économique Gavekal. Une position qui, selon certains observateurs, confère parfois du vassalité, puisque Moscou dépend des produits et des achats chinois pour assainir ses finances perturbées par le conflit ukrainien.
Le voisin oriental de la Fédération de Russie s’est imposé comme un fournisseur de substitution de son voisin en guerre, des vêtements aux voitures, note Bloomberg. Dans le même temps, la Russie a augmenté ses exportations de matières premières telles que le charbon et l’aluminium vers la Chine.
Le mobilier, pomme de discorde
Parmi les marchandises importées de Chine vers la Russie figurent de nombreuses pièces destinées à l’ameublement, qui ont récemment fait l’objet d’une restriction unilatérale de la part de Moscou, ce qui pourrait bien être perçu comme une trahison de la part de son partenaire.
Ainsi, selon Forbes, le 7 décembre, la Russie a imposé un droit de douane de 55,65 % sur les pièces de meubles fabriquées en Chine. Mauvaise nouvelle pour Pékin, qui serre les dents en attendant la vague de taxes promise par Donald Trump.
La nouvelle est venue de Vladivostok, bureau de douane situé aux frontières orientales de la Russie et avant-poste du commerce terrestre de Moscou avec son voisin chinois. À l’automne, le service des douanes de la ville, qui, selon l’Asia Times, gère 90 % des importations de pièces de meubles chinois en Russie, a reclassé les composants de rails coulissants de meubles comme types de roulements, entraînant une augmentation drastique des taux de 0 % à 55,65 %.
Une idylle au vitriol
Cette hausse est très mal perçue par les fabricants de meubles russes, qui importent massivement des composants chinois – jusqu’à 90 %, selon Forbes. L’Association des entreprises russes de meubles et de menuiserie (AMDPR) a déclaré que le nouveau tarif entraînerait des faillites et créerait 15 % de coûts supplémentaires pour les fabricants locaux.
De l’autre côté de la frontière, la réaction est attendue, mais nul doute que la Chine réagira à ce petit coup de couteau russe. L’un des leviers de Pékin pourrait être le Power of Siberia 2, un gazoduc géant prévu pour transporter 50 milliards de mètres cubes de gaz par an entre la Russie et son client chinois.
Le projet, qui devrait ancrer la nouvelle orientation de la Russie vers l’Est, est encore entouré d’incertitudes : la construction du corridor de 4 000 km, qui devait débuter début 2024, est toujours au point mort, et la mauvaise volonté de Pékin ne serait pas étranger à cela.
GrP1