En Occident, le retour de la grippe aviaire fait l’effet d’une douche froide

En Pays de la Loire, tous les feux sont au rouge. Après une courte période d’accalmie, la grippe aviaire est bel et bien revenue en France. Les éleveurs de la région, centre de la filière, sont inquiets car 90 foyers ont été recensés dans le Sud-Ouest.
Deuxième bassin de production avicole (25%) après la Bretagne, les Pays de la Loire concentrent majoritairement des élevages qui sélectionnent des éleveurs, et des couvoirs, fournisseurs de poussins, canetons ou dindonneaux pour l’ensemble des élevages français. Avec cette nouvelle vague, toute la chaîne est à nouveau sous pression.
Un coup dur, alors que les professionnels ont commencé il y a un mois à remettre des animaux dans leurs élevages. « C’est un stress quotidien. Si la maladie repart, ce sera la catastrophe, craint Louis Marie Pasquier à la tête d’un élevage de 9 poulaillers dans les Deux-Sèvres. Un élevage XXL réparti sur quatre sites, avec des poulets, dindes, pintades volailles et canards. »L’année dernière, j’ai travaillé quatre mois et demi. Si quelqu’un m’avait dit un jour que je n’aurais plus de travail, je ne l’aurais pas cru. Depuis avril, je suis parti d’abord avec des dindes ».
Frappé par les deux vagues de l’épidémie, il redoute de revivre ce cauchemar. Après que des canetons se soient infectés sur l’un de ses sites, il a été contraint l’an dernier en urgence de laisser euthanasier ses autres pensionnaires, qui étaient en bonne santé. « J’ai 7 000 chapons et 15 000 pintades prêtes à manger qui sont parties à la benne, ça me fait mal au coeur ».
Surveillance accrue
De son côté, Clément Blanchard, un jeune éleveur (28 ans), originaire de Vendée, a eu plus de chance. Un voisin touché a dû vider 3 bâtiments en une nuit, avec 12 000 poulets Label Rouge envoyés à l’abattoir. Mais tous vendus. « Ma ferme est restée vide deux fois pendant six mois. Comme je venais de déménager en 2022, je n’avais pas droit à une indemnisation ». La solidarité a cependant joué un rôle. Soutenu par le groupement de producteurs et embauché par d’autres éleveurs durant cette période creuse, il a su tenir le coup. Depuis la mi-avril, sur ses 9 hectares, ses nouveaux pensionnaires peuvent s’ébattre en plein air.
Pour le secteur, la recrudescence de l’épizootie a eu l’effet d’une douche froide. « On ne s’attendait pas à ça. La maladie devient endémique, s’alarme Jean-Michel Schaeffer, éleveur et président d’Anvol, l’interprofession. Il faut maîtriser le départ de feu pour éviter un embrasement généralisé ». , la filière appelle ainsi les 45 communes les plus denses à stopper l’arrivée des canetons à partir de fin juin.Jusqu’alors, la date d’arrêt était prévue à la mi-août.
Une mesure de précaution. « Le canard est une bombe à retardement. Pendant les huit premiers jours de contamination, on ne voit rien. Après, c’est trop tard, souligne Guy-Marie Brochard, responsable du comité Canards rôtis. L’idée est que la zone soit vide de gibier d’eau jusqu’à l’arrivée du vaccin ». Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture vient de préciser que la vaccination devrait débuter en octobre.
Entreprises à risque
Mais les producteurs de foie gras ne sont pas d’accord. En cessant leur activité fin juin, ils craignent de ne pas être prêts pour Noël, le pic des ventes. « A nous de les convaincre », lance Yann Nédélec, directeur de l’Anvol. L’avenir du secteur est en jeu ». Le risque est que les canards, vecteur essentiel de propagation du virus, le transmettent à d’autres volailles. Un danger pour les exploitations, comme pour l’outil industriel.
Maître CoQ (700 millions d’euros de chiffre d’affaires) connu pour ses volailles farcies, ou ses poulets rôtis en sachet, pousse à cette baisse de densité. Avec 6 sites en Vendée, la société du groupe LDC a perdu 50% de son activité l’an dernier à cause de la grippe aviaire. Avec un résultat divisé par deux. Elle travaille avec un millier d’éleveurs.
« Nous sommes très inquiets depuis cette alerte. Aussi, aucun canard à rôtir LDC ne sera remis en place à partir de fin juin dans cette zone. Nous sommes déterminés à nous faire du mal. Mais c’est nécessaire, plaide Roland Tonarelli, le directeur général de Maître CoQ. Cela ne signifie pas que nous traverserons la crise. L’entreprise pourrait perdre 60 à 80 millions sur son activité canards. Un moindre mal face à la menace qui pèse sur les autres espèces, avec des marchés plus importants en jeu.
Reproduction au ralenti
L’impact de l’épizootie a été différent selon les oiseaux. En France, la production tricolore de canards rôtis a plongé de 34 % en 2022, suivie de la dinde (-17 %) et de la pintade (-7,6 %). La baisse du poulet a été limitée à 1 %. De nouvelles baisses sont à prévoir en 2023, car il n’y a pas assez de poussins et autres pintades pour recommencer. Au cours de ce premier trimestre, leur nombre a diminué de 7,7 %.
ANVOL-ADOCOM
Le Pays de la Loire est le berceau de la génétique française. Un savoir-faire exporté dans le monde entier. Le néerlandais Hendrix Genetics, spécialisé dans la dinde. Il faut montrer les pattes blanches pour entrer dans le saint des saints. Chaque employé doit prendre une douche sur le site, avant d’entrer dans la salle où sont entreposés jusqu’à 585 000 œufs, issus d’élevages dédiés aux meilleurs éleveurs. Après 28 jours en couveuse, puis en éclosoir, les jeunes dindonneaux naissent. Un jour plus tard, ils sont chez les éleveurs.
L’année dernière, des œufs ont été apportés en secours de Bretagne. Mais la production a diminué. « Avec le vaccin, on risque aussi de perdre des ventes à l’export, qui pèsent 80 % de notre activité, indique Laurent Souti, son responsable. On ne pourra alors plus faire de sélections en France, l’activité se fera ailleurs ». Au total, la France risque de perdre la moitié de ses clients à l’export, comme le Japon qui ne veut pas d’oiseaux vaccinés. Un scénario catastrophe. Les professionnels appellent à une harmonisation de la vaccination à travers l’Europe.