en Nouvelle-Calédonie, des émeutes et une « ambiance surréaliste »
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en Nouvelle-Calédonie, des émeutes et une « ambiance surréaliste »

en Nouvelle-Calédonie, des émeutes et une « ambiance surréaliste »
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Écrit par Louise Béliaeff

Alors qu’une troisième nuit de violences se déroule en Nouvelle-Calédonie, les habitants tentent de protéger leur quartier en dressant des barricades sauvages. Témoignage d’un Provençal sur place.

L’état d’urgence est décrété en Nouvelle-Calédonie ce mercredi 15 mai 2024. L’annonce a été faite par le président Emmanuel Macron, alors que le territoire français du Pacifique Sud connaît sa troisième nuit d’émeutes. Incendies, pillages, affrontements armés… La capitale de la Grande Île, Nouméa, est secouée depuis lundi par une violente insurrection. Une révolte menée par les indépendantistes avec, en toile de fond, la réforme électorale votée au Parlement et la question de l’indépendance. Quatre personnes sont mortes, dont un gendarme, et des centaines de blessés, selon un bilan provisoire.

Parmi la centaine 000 habitants de Nouméa, Benoît, 62 ans, regarde impuissant la révolte. Originaire de Provence, il vit avec son épouse en Nouvelle-Calédonie depuis près de dix ans. Il s’agit de « Zoreille », terme qui désigne les Français métropolitains vivant sur l’île. A ne pas confondre avec les « Caldoches », les Néo-Calédoniens d’origine européenne présents sur les « Cailloux » depuis plusieurs générations. Ou encore avec les Kanaks, un peuple indigène qui représente 41,2 % de la population selon les chiffres de l’Insee.

Océanographe à la retraite et aujourd’hui président de la Fédération des pêcheurs côtiers de la Province Sud, Benoît habite le quartier de la Vallée des Colons, non loin de Magenta, où des concessions automobiles ont été incendiées. « La première nuit a été très agitée, on a entendu beaucoup d’explosionsil dit. Le lendemain, l’odeur de fumée était très forte, aussi bien dans la maison qu’à l’extérieur. »

L’odeur et le bruit. « Les sirènes des pompiers et de la police résonnent dans toute la ville. Benoît s’est rendu à son bateau dans la journée. Il a donc pu constater le résultat de cette première nuit chaotique : « Des rues jonchées des restes des incendies de la nuit. Une ambiance surréaliste, personne dans les rues. »

Pour s’approvisionner, des files d’attente commencent à se former, y compris devant les stations-service. Près de chez lui, le sexagénaire a été témoin du pillage d’un supermarché. Dans la ville, il a également croisé des jeunes portant des drapeaux du FLNKS (Front Kanak et Socialiste de Libération Nationale). « Ils se déplacent en groupe, à pied ou en pick-up. Les plus violents sont cagoulés, armés de cocktails Molotov. J’ai été insulté, « Rentre chez toi, sale homme blanc »« .

Au moment de l’entretien, Benoît se trouvait dehors, sur une barricade érigée avec les habitants du quartier pour protéger les habitations et les voitures, malgré le couvre-feu en vigueur de 18 heures à 6 heures du matin. « Des groupes de quartier se sont constitués sur WhatsApp. Nous dressons des barricades avec ce que nous trouvons, et nous nous relayons toutes les trois heures. Je suis en poste de 18h à 21h. Plus aucune rue n’est accessible ».

Sur les barricades règne « une bonne ambiance », raconte l’ex-chercheur qui en profite pour discuter avec ses voisins. « On n’a pas le droit de sortir, mais il y a une tolérance de la part des policiers qui sont débordés. Les policiers municipaux nous ont dit merci. Quelques minutes plus tôt pourtant, Benoît et ses voisins ont repoussé un groupe de jeunes sans heurts.

Des barricades de fortune comme celle-ci ont été érigées dans tous les quartiers de Nouméa. A Tuband, un autre quartier, des habitants ont patrouillé dans la nuit de mardi à mercredi, armés de bâtons ou de battes de baseball, cagoulés ou casqués. « Les flics sont débordés donc on essaie de se protéger et dès que ça s’échauffe, on prévient les flics pour qu’ils viennent nous aider. Nous essayons de faire en sorte que chaque quartier ait sa propre milice« , a déclaré à l’AFP un habitant, Sébastien, 42 ans.

Pour contenir les émeutes, de nombreux policiers et gendarmes, dont des éléments de leurs deux groupes d’élite, le GIGN et le RAID, ont été mobilisés. Selon le ministère de l’Intérieur, 500 policiers et gendarmes arriveront dans les prochaines heures en renfort en Nouvelle-Calédonie. Pour le moment, la police numéro 1 800 sur le territoire. L’aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi jusqu’à nouvel ordre.

« Nous avons un peu moins peur maintenant que nous avons des groupes qui bloquent les rues et montent la garde », dit cet amoureux du lagon. Pour Benoît comme pour ses voisins et amis, outre l’appréhension de potentiels dégâts matériels, c’est la tristesse qui domine. « Les Calédoniens voient leur pays dévasté, l’économie stagnante, le dialogue impossible. Tout le monde est très touché ».

Dans un communiqué commun publié ce mercredi, les cinq principaux partis indépendantistes et non-indépendantistes du territoire français du Pacifique Sud ont appelé mercredi à « solennellement toute (sa) population (…) au calme et à la raison ».

« Ça va se calmer, mais après ? Comment dialoguer avec ceux qui ont mis le feu au pays ?se désole Benoît. Je suis venu ici parce que j’aime la Calédonie et parce que je me sens ici chez moi. Et ils me font comprendre que je ne suis pas chez moi. Et pour un Caldoche établi depuis des générations ? Où peut-il aller ? C’est sa maison.

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