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en Nouvelle-Calédonie, après les émeutes, « la tentation de partir » agite les esprits

Les récentes violences ont encore davantage fracturé l’archipel. Des habitants, vivant parfois depuis plusieurs décennies dans ce territoire du Pacifique, ont décidé de retracer les 17 000 kilomètres qui les séparent de la France dans l’autre sens.

Sa fille aînée le sentit venir : « Maman va pleurer. » Et « Maman » a pleuré. Nicole, 61 ans, s’excuse de s’être présenté « comme ça ». Elle prend un mouchoir sur la table du salon, renifle et s’excuse à nouveau. « En l’espace de cinq minutes, je parcours tous les étatssoupire la mère, barricadée dans sa cossue maison à Quartier Sainte-Marie, au coeur de Nouméa. Je m’effondre et je veux partir d’ici. Ensuite, je prends l’air dans le jardin et je veux rester. Cela dure depuis des jours.

P.déballez vos bagages et retracez les 17 000 kilomètres qui les séparent de la France dans l’autre sens, parfois pendant plusieurs décennies : cCette pensée, vivement, a fini par toucher certains habitants de Nouvelle-Calédonie, après les émeutes qui ont secoué l’archipel. Une vague de violence comme le territoire n’en avait pas connu depuis les années 1980. « Je peux comprendre que cela traverse l’esprit. J.« J’espère juste qu’il y en aura le moins possible »» déplore la maire Renaissance de Nouméa, Sonia Lagarde. « Je comprends… Je comprends parfaitement que nous soyons choqués par la situation et qu’elle amène certains à s’interroger sur la tentation de partir »acquiesce la ministre déléguée chargée de l’Outre-mer, Marie Guévenoux, interrogée par franceinfo.

Dix ans plus tard « Caillou », mais pas un de plus. Pierre et sa compagne, propriétaires d’une maison à Nouméa, ont pris leur décision : « Terminé. Nous allons partir. » Le couple est cependant préoccupé par le dégel de l’électorat, point de départ des tensions entre loyalistes et séparatistes. « Que nous puissions enfin voter aux élections locales, en fait, ce n’est plus notre problème, lâche, déçu, le quadragénaire. Je serai clair : si nous étions locataires, nous attendrions simplement la réouverture des vols et au revoir. C’était cool de voirtu es là, mais c’est fini. Vivre ensemble ne s’en remettra pas. Il y a quelques jours, leur enfant de 4 ans « amusé » pour reproduire un barrage dans la maison, avec des chaises, des jouets et des peluches. « Il y avait les gentils d’un côté, les méchants de l’autre. dit le père. Je ne savais même pas quoi dire… »

Une concession automobile incendiée à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 21 mai 2024. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

Chacun raconte les traumatismes vécus depuis l’incendie du « Caillou », lundi 13 mai. Jean-Yves a « tout perdre ». « Mes collègues m’appellent un matin à 7 heures et me disent : ‘Patron, tu ne vas pas reconnaître l’entrepôt’ »se souvient l’entrepreneur basé dans la zone industrielle de Ducos, cœur économique de la Nouvelle-Calédonie. Il enfile aussitôt un pantalon, monte dans sa voiture et slalome à travers les barrages.. Devant lui, dix-sept années de vie étaient réduites à un tas de cendres. « Je ne vous répéterai pas les mots que j’ai eus lorsque j’ai vu l’ampleur des dégâts »il avoue. Quelle est la prochaine étape pour moi ? Je ne sais pas, c’est un flou total. »

« S’il s’avère que les gars qui ont fait ça, je les connais. »

Jean-Yves, entrepreneur à Nouméa

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Dans une commune de au nord de Nouméa, un pharmacien, qui préfère garder l’anonymat, a retrouvé sa pharmacie pillée. Seules les caméras de vidéosurveillance sont restées intactes. En visionnant les images qu’ils ont enregistrées, le gérant a reconnu certains visages : des clients. « Que fais-tu après ? Comment rétablir un climat de confiance ?se demande-t-il. Sylvie, elle a été miseIl joue sur un barrage du secteur Païta, à quelques centaines de mètres de chez lui : « Trois émeutiers m’ont arrêté, ils avaient 17 ou 18 ans. L’un d’eux a sorti son arme et l’a pointée sur moi. Cela a duré quelques secondes. Puis il a ri et m’a lâché. » L’enseignant je tremble toujours : « Dans un contexte normal, je serais allé porter plainte à la police. Mais là… C’est un chemin que j’emprunte tous les jours. Que se passera-t-il dans ma tête quand j’y reviendrai ? » Ce matin encore, c’est le sifflement des coups de feu qui a servi de signal d’alarme.

« tentation de partir » existe surtout parmi Les « Zears », comme sont surnommés les non-originaires de Nouvelle-Calédonie. Mais la réflexion fait aussi son chemin chez certains Caldoches, descendants de colons libres ou de forçats français. « Je suis la cinquième génération ici, mais je perds patience, couper René*, qui a grandi en brousse, à Bourail. J’avais 18 ans lors des événements des années 80. Depuis, rien n’a changé. L’histoire du destin commun n’était qu’une façade. Si l’État français nous laisse partir, nous serons extrêmement vulnérables.

« Certains Caldoches finiront par quitter leurs propres terres, oui. Ceux qui partiront sont ceux qui pourront partir. Les anciens resteront. »

René, Caldoche de Bourail

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« Les Français veulent-ils quitter notre terre ? Au siège de l’Union Calédonienne, nous assurons « regretter » ces perspectives. « Nous ne luttons pas contre les Français, nous luttons contre leur système. précise un cadre du principal parti indépendantiste, à l’épaisse barbe brune. Nous savons ce que nous devons aux Français qui viennent ici. Ils sont toujours les bienvenus. »

François en doute de plus en plus. « La peur de la vengeance », « la peur du ressentiment », « la peur qu’on se regarde comme des chiens de faïence »… Voilà quelques-unes des émotions qui l’assaillent. « J’ai des collègues qui ont eu des ennuis à un barrage. J’ai moi-même eu des ennuis. Je ne voudrais pas le penser, mais j’ai peur de regarder avec méchanceté une partie de la population.confie, le cœur brisé, cette infirmière stationné au nord de Nouméa. A la clinique de Nouville, l’un des plus grands centres de santé de l’archipel, au moins deux lettres de démission sont déjà arrivées au bureau des ressources humaines. « Ce sont des gens qui ont très mal vécu la situation »pouvons-nous entendre dans les couloirs.

« Je n’ai pas encore pris de décision et je ne prendrai pas de décision émotionnellement, mais il est possible que je parte. »

François, infirmier en Nouvelle-Calédonie

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Officiellement, Caroline, cadre supérieur dans une multinationale, doit dire avant le 1er juillet si elle souhaite prolonger de deux ans son détachement dans l’archipel. Mais sa décision est déjà prise. « Les conditions financières sont peut-être bonnes, mais je suis désolé mais je vais dire nonelle décide. Si je le pouvais, j’écourterais encore plus et je partirais maintenant. Elle se retrouve déjà à dire au revoir aux employés du magasin où elle fait ses courses chaque semaine depuis fin 2022.

Des habitants tentés de partir, un agent immobilier de Nouméa, rencontré par franceinfo, en a eu un « quelques » au téléphone. « Certains avaient déjà exprimé leur intention de quitter la Nouvelle-Calédonie en 2021, lors du dernier référendum d’indépendance.. Trop d’instabilité. Ils ont du mal à se projeter ici. », décrit ce professionnel, lui-même coincé chez lui. Son quartier est entouré de barrages.

Un appel a encore redonné espoir à l’agent immobilier il y a quelques jours. Au bout du fil, un chef d’entreprise dont les trois quarts des entreprises sont parties en fumée. Il dit : « Il me dit qu’il est déjà dans le futur et qu’il cherche un local. Cela m’a surpris au début. Malheureusement, je n’ai rien à lui proposer pour le moment, mais j’ai trouvé la démarche positive. » L’intéressé, contacté par franceinfo, confirme : « J’ai 80% de mes travailleurs qui sont Kanak, je ne veux pas les laisser tomber. Il y aura toujours un marché » qui devra être nourri, habillé… »

« On a un genou à terre, mais un seul genou », répète-t-il, convaincu de faire le bon choix. Selonle procureur de la République de Nouméa, 400 commerces ont été victimes de dégâts lors des émeutes.

Des habitants ont installé un barrage dans un quartier de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 21 mai 2024. (RAPHAEL GODET / FRANCEINFO)

En visite dans l’archipel, la ministre des Outre-mer a déclaré qu’elle aussi se sentait « beaucoup d’envie de reconstruire » dans ses échanges avec les acteurs du monde économique. « Quand votre outil de travail est détruit, vous pouvez vous dire : ‘D’accord, je vais investir ailleurs’. Eh bien, 100% des chefs d’entreprise que j’ai rencontrés ici m’ont dit vouloir réinvestir en Nouvelle-Calédonie, rassure Marie Guévenoux. Il n’y a aucune envie de partir.

Combien de Néo-Calédoniens vont quitter l’archipel après les émeutes ? LLe prochain recensement est prévu pour septembre. «Pour le moment, c’est maintenu»assure franceinfo l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Pierre et son compagnon ne peuvent pas être comptés : « Si cela s’avère, nous serons déjà rentrés en France métropolitaine. »

* Le prénom a été modifié à la demande de la personne concernée.

Cammile Bussière

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