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en Moldavie, le référendum sur l’adhésion à l’UE se heurte aux pro-russes nostalgiques de l’ère soviétique

en Moldavie, le référendum sur l’adhésion à l’UE se heurte aux pro-russes nostalgiques de l’ère soviétique

Le pays élit dimanche son prochain président et la dirigeante sortante pro-occidentale Maia Sandu est la favorite. Les électeurs de l’État le plus pauvre du continent se prononcent en même temps par référendum pour ou contre le principe de l’entrée dans l’Union européenne.

Victor Chironda fait toujours la même blague en sortant du van. « À votre avis, à combien de personnes aujourd’hui ? » » demande le chef de l’opération Citoyens pour l’Europe à sa petite troupe. « Je dirais cinq habitants, peut-être dix, mais vraiment pas plus »rétorque un membre du groupe. Perdu. Quand on pousse la porte de la mairie de Milesti, ce jeudi 17 octobre en fin d’après-midi, il y a foule. Déjà 23 curieux, et même 25 avec les deux retardataires, emmitouflés dans leurs doudounes, impatients de se réchauffer. Le maire du village lui-même semble dépassé. Petru Leuca n’avait installé qu’une dizaine de chaises dans la salle de réception, entre l’état civil et les trophées des clubs de football, pensant que cela suffirait. « On se change dans les vestiaires ! Tout le monde à l’étage, dans la salle du conseil municipal ! », ordonne le conseiller municipal.

A l’approche du référendum sur l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne, organisé dimanche 20 octobre, en même temps que le premier tour de l’élection présidentielle, Victor Chironda et son équipe de bénévoles ont décidé de parcourir les 34 000 km2 de leur pays, et en particulier à la campagne, où la nostalgie de l’ex-URSS tient encore les cœurs. Dans cette ancienne république soviétique, étroitement surveillée par le Kremlin et voisine de l’Ukraine en guerre depuis l’invasion russe en février 2022, cette double élection représente un enjeu très important.

Sur le bulletin de vote, la question posée aux électeurs moldaves est la suivante : « Êtes-vous favorable à un amendement à la Constitution concernant l’adhésion de la République de Moldavie à l’Union européenne ? A Milesti, ville rurale de 2 300 habitants située à 1h30 au nord-ouest de la capitale Chisinau, l’intégration à l’UE suscite autant de crainte que d’espoir.

Assis au deuxième rang, un homme d’une soixantaine d’années se lève précipitamment. Son pantalon taché de saleté donne un indice sur son métier. « Je suis agriculteur et je me pose une question : avec l’Europe, où va ma production ? On m’a dit que j’allais tout perdre et j’ai peur de tout perdre. Son voisin de gauche est d’accord : « Les Européens vont racheter nos terres et nous n’aurons plus de travail. Pas plus. »

Victor Chironda répond aux questions les unes après les autres. A ses côtés, si besoin, un spécialiste en économie. Pour les questions historiques, Mihai Poiata vient en renfort. A l’assemblée, la plupart ont reconnu la moustache du septuagénaire : il faisait partie des députés qui ont signé la déclaration d’indépendance de la Moldavie le 27 août 1991.

Au sein de Citoyens pour l’Europe, personne ne prétend faire changer d’avis, et surtout pas en deux heures. « L’objectif est au moins de donner les bons chiffres, les bonnes informations, résume Mihai Poiata. Il faut le dire : certains élus locaux, proches du pouvoir russe, font croire à leurs concitoyens, notamment ceux nés à l’époque de l’URSS, que tout le monde est contre l’UE. Ils relaient les fausses nouvelles sur les réseaux sociaux.

« Combien de fois ai-je entendu dire qu’il faudrait mettre le drapeau LGBT sur les bâtiments publics si on intégrait l’Europe ? C’est de la propagande. Si on n’a pas les moyens de vérifier, on y croit. »

Mihai Poiata, ancien député moldave

sur franceinfo

Grigore Gurjui, 74 ans, bouillonne intérieurement. Lui aussiné à l’époque de l’Union Soviétique. Lui aussi a grandi sous Brejnev. Eet alors ? « J’ai vu les atouts de l’Europe au volant de mon camion, dit l’ancien chauffeur de camion. J’ai livré des fruits au Portugal, en Espagne, en Belgique, en Allemagne, en France… Si les gens de ma génération savaient… S’ils voyaient la qualité des routes, s’ils voyaient la politesse des gens, ils cesseraient immédiatement de regarder vers la Russie. « 

Le petit groupe des Citoyens pour l’Europe n’est pas toujours le bienvenu. « Disons qu’il faut parfois se battre pour obtenir le prêt d’une chambre, », euphémise l’ancien parlementaire. La mairie peut nous aider, ou pas. Elle peut mettre des affiches ou non. Elle peut ou non relayer l’information à la population. Certaines communes font le strict minimum… »

Il y a quelques jours, les volontaires ont parcouru 200 kilomètres… pour rien. Arrivés dans le sud-est du pays, à Stefan Voda, près de la frontière ukrainienne, se trouvaient « zéro habitant au moment de la réunion ». « Désolé, personne ne voulait venir. »» balbutia le maire, selon le récit de Victor Chironda, qui n’a pas pris au pied de la lettre l’excuse du conseiller. « Cet élu n’a jamais caché sa sympathie pour les partis pro-russes. Il ne se soucie donc pas vraiment de notre initiative. Le nord de la Moldavie n’est pas forcément plus accueillant.

« Il y a une réalité : plus on va vers le nord, plus les gens sont contre l’Europe. Historiquement, ce sont des gens qui ont toujours fait du commerce avec les Russes.»

Victor Chironda, membre de Citoyens pour l’Europe

sur franceinfo

Une deuxième équipe de Citoyens pour l’Europe s’apprête à prendre la route vers l’Est, vers Rezina, l’un des derniers villages avant la Transnistrie, territoire pro-russe, qui a autoproclamé son indépendance en 1991. « Eh bien, bonne chance les gars. »murmure une voix alors que nous partons.

A la mairie de Milesti, les discussions durent depuis une heure. Un homme n’en manque pas : Giorge, l’un des dirigeants locaux d’un mouvement proche du Kremlin, le parti Sor, du nom d’un influent oligarque moldave, Ilan Sor. Voix de Moscou, visé par les sanctions occidentales, réfugié en Russie, l’homme d’affaires est accusé d’avoir acheté les voix de 130 000 électeurs pour le double vote de dimanche. La présence de son représentant local fait craindre une aggravation de la situation. Cependant, ce ne sera pas le cas.

Mais il est déjà arrivé que l’équipe de Citoyens pour l’Europe ait dû appeler la police pour évacuer « des éléments perturbateurs », « des gens qui viennent juste pour provoquer, pour semer le trouble dans l’assemblée ou pour voir qui est venu ».

Coïncidence ou pas, plusieurs habitants de Milesti ont fourni le même motif d’absence à leur maire : « Travailler dans les champs. » Victor Chironda n’est pas dupe : « Par endroits, être vu dans ce genre d’initiative peut être risqué. CECela peut avoir des conséquences sur votre réputation dans le village. »

« Si votre maire est pro-russe et qu’on vous voit parler de l’Europe, vous pouvez être qualifié d’adversaire. Il ne faut pas négliger cette peur. Alors certains préfèrent éviter de se montrer.»

Victor Chironda

sur franceinfo

Les pro-russes font également campagne pour ce référendum, mais dans le but de saper la participation. Parce que, pPour que le résultat du vote soit considéré comme valable, le taux de participation doit atteindre 33 %. Cependant, ce seuil n’est pas garanti. Les électeurs moldaves étaient à 55,1% en faveur du « oui » et à 34,5% en faveur du « non », selon une enquête révélé trois jours avant le vote. MaisParallèlement, 7,9% des personnes interrogées déclarent ne pas avoir encore pris de décision et 2,4% ne souhaitent pas répondre.

Une victoire du « non » ne serait pas juridiquement contraignante, mais elle porterait un coup fatalp frein à la politique de la présidente sortante, Maia Sandu, qui a basé une partie de son programme électoral sur l’adhésion de son pays à l’UE. « Le camp pro-européen espère un vote positif de 60 à 70% et une participation supérieure à 50%chiffres du politologue Isac Mihai. Mais quelle que soit l’issue, la machine de propagande russe tentera de délégitimer le vote « oui ».

La très médiatique députée Marina Tauber, proche du Kremlin, l’a confirmé à franceinfo. Ses instructions pour le référendum sont martelées en un mot à ses partisans : « boycotter », « boycotter », « boycotter ». Durant ses trente minutes de parole, la parlementaire n’a jamais prononcé le nom de la Russie.

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