En Martinique, l’octroi de mer est un impôt qui alimente la colère des habitants contre la vie chère
LUDOVIC MARIN / AFP
Le coût de la vie élevé est une préoccupation majeure en Martinique, où les violences se multiplient dans un contexte de mobilisation citoyenne contre des prix souvent aberrants (Photo d’illustration).
OUTRE-MER – La colère grandit aux Antilles. Après plusieurs nuits de violences urbaines, dans un contexte de forte mobilisation contre la vie chère depuis début septembre, une taxe spécifique cristallise une bonne partie de la colère des habitants de la Martinique, mais pas seulement.
Selon les données de l’Insee pour 2022, le différentiel de prix entre les DOM et la métropole est considérable. Cet écart est d’environ +14% en Martinique. Pour l’alimentaire, c’est encore pire avec des prix 40% plus élevés, en raison d’un circuit particulièrement coûteux avant d’atterrir dans les rayons martiniquais.
C’est pour ces raisons que la remise en cause de l’octroi de mer, cette taxe s’appliquant aux importations en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion est désormais sur toutes les lèvres.
Quel est le but de la taxe maritime ?
Vestige des taxes perçues à partir du XVIIe siècle à l’entrée des colonies françaises, l’octroi de mer est une mesure qui permet de financer les collectivités locales depuis 2004. Rien qu’en 2022, il a généré 1,64 milliard d’euros de recettes pour les cinq départements et régions d’outre-mer selon la Cour des comptes, assurant 32 % des ressources des communes. Sauf qu’il y a un revers à la médaille : cet impôt fait grimper les prix.
Cette fameuse taxe « sert théoriquement à protéger la production locale pour autonomiser ces territoires, et surtout à financer les collectivités locales »explique à l’AFP Frédéric Ducarme, secrétaire général de la Chaire Outre-mer de Sciences Po. « Mais quand les taxes maritimes s’appliquent à des produits importés qui n’ont pas d’équivalent localement, on se retrouve avec des situations absurdes. Les gens ont besoin d’acheter les produits importés qui sont les plus chers. »observe Ivan Odonnat, président de l’Iedom, l’organe de la Banque de France dans les territoires d’outre-mer.
Cette situation se reflète sur les réseaux sociaux par des témoignages d’habitants contraints d’acheter du beurre à 8,49 euros, un quatre-quarts à près de neuf euros ou encore des œufs bio à 7,29 euros, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
De quoi faire dire au premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, que s’il n’en est pas le seul responsable, « La taxe maritime joue un rôle important » au coût de la vie élevé en Martinique. D’autres comme Frédéric Ducarme y voient plutôt une « bouc émissaire » et cible principalement le coût du transport des marchandises.
Une taxe « essoufflé »
Quoi qu’il en soit, cela ne fait que renforcer les débats sur l’avenir de cet impôt. Le président de l’Iedom opte plutôt pour un changement de modèle, basé cette fois sur « plus de concurrence », « une fiscalité cohérente et stable »ainsi que la prise en compte de voies d’approvisionnement moins éloignées.
Comme indiqué La CroixDes experts ont également proposé au préfet de la Martinique de réduire la taxe maritime, tandis que d’autres souhaitent la supprimer purement et simplement. « Le problème est que si nous devions le supprimer, nous devrions le remplacer par une TVA. (le taux de TVA est plus bas dans certains DOM-TOM, NDLR) ce qui affecterait également les productions locales »note cependant Frédéric Ducarme.
Alors que faire ? Dans son rapport de mars 2024, la Cour des comptes préconise une réforme « en profondeur » de cet impôt, jugé « essoufflé ». Mais en attendant une réforme qui n’arrivera pas de sitôt, le conseil exécutif de la Martinique s’est prononcé le 11 septembre en faveur de la « suppression des taxes maritimes sur 54 familles de produits ».
Le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, a également été appelé par les dirigeants communautaires à veiller à ce que la Martinique obtienne « blocage des prix », « la suppression de la TVA sur 54 familles de produits » ou même « la surveillance des marges des importateurs, grossistes et distributeurs ». Une solution à court terme dont l’objectif pour l’État, les distributeurs et les collectivités concerne une « 20% de baisse de prix en moyenne » de 2 500 produits de première nécessité.
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