En Israël, les Bédouins luttent pour empêcher la disparition de leur village

« Elle se rapproche chaque jour un peu plus »» dit Hassan Hawashla, montrant la ville israélienne de Dimona, voisine de son village bédouin dans le désert du Néguev.

Dans le sud d’Israël, Dimona, connue pour son activité nucléaire, est en plein essor. A terme, des documents publiés par la mairie suggèrent que la commune pourrait doubler de taille.

De sa fenêtre, M. Hawashla voit des grues et de nouveaux quartiers résidentiels en construction.

Dans son village de Ras Jrabah, en revanche, les quelque 500 habitants vivent dans des maisons aux toits de tôle. A peine quelques bâtiments en béton se dressent au milieu d’un dédale d’allées sablonneuses.

Toute nouvelle construction est démolie par les autorités israéliennes qui refusent l’installation de structures permanentes pour ne pas pérenniser l’existence du village, explique Hassan Hawashla.

De nombreux membres de la communauté bédouine d’Israël, descendants de bergers arabes musulmans, sont en conflit avec l’État qui, selon eux, ne leur accorde pas tous les droits garantis aux autres citoyens.

Selon l’ONG israélienne Bimkom, environ 30 % de la population bédouine vit dans des villages similaires à celui de Ras Jrabah, non reconnus par les autorités israéliennes.

Tous, une dizaine, sont situés dans le désert du Néguev, appelé Naqab en arabe.

En mai, le village de Wadi al-Khalil a été rayé de la carte. Les autorités israéliennes avaient ordonné sa démolition pour permettre le prolongement d’une route.

Terrain minimum

Hassan Hawashla raconte que les autorités israéliennes ont demandé aux habitants de son village de s’installer à Qasr E-Sir, un autre village bédouin reconnu, à l’ouest de Dimona.

Impossible pour le père de M. Hawashla, Freij, qui explique à l’AFP que les relations des habitants de Ras Jrabah avec ses voisins indirects sont tendues.

« Cette tribu ne veut pas de nous, et nous ne voulons pas d’eux non plus »conclut cet homme né en 1939, avant la création de Dimona.

Il dit avoir même donné de l’eau, du pain et du yaourt aux premiers Juifs installés dans la région.

Aujourd’hui, Dimona dévore le paysage avec ses rangées de bâtiments identiques, dans des rues souvent vides.

Le long d’un terrain de jeu étincelant construit à la périphérie de Dimona, un jeune Bédouin se promène à dos de chameau, parmi le sable et les pierres.

« Tout l’argent va à la construction, mais les bâtiments sont vides »» s’agace M. Hawashla, qui travaille dans le secteur à Dimona.

Selon lui, son village n’a jamais reçu d’aide du gouvernement, pas même d’abris pour le protéger des tirs de roquettes lancées depuis la bande de Gaza, située à 70 kilomètres de là.

Onze villages bédouins non reconnus, soit quelque 6 500 habitants, luttent contre de potentielles expulsions devant les tribunaux israéliens, rapporte Marwan Frieh de l’ONG Adalah, organisation de défense des droits des minorités arabes en Israël.

Les autorités israéliennes veulent « un maximum de Bédouins sur un minimum de terre, et un minimum de Juifs sur un maximum de terre »il explique.

L’histoire de M. Frieh montre précisément ce qui pourrait menacer les Hawashla : son père et son grand-père sont nés et ont grandi dans un village non reconnu, avant que les autorités israéliennes ne les obligent à s’installer à Rahat, la plus grande ville bédouine du Néguev.

Sollicitées par l’AFP, les autorités locales n’ont pas répondu.

Tribunaux

Après avoir perdu une bataille juridique pour annuler les ordres d’expulsion, la communauté de Ras Jrabah a fait appel et a proposé d’être rattachée à Dimona, ce que les autorités ont refusé, selon Myssana Morany.

Mais pour cet avocat, qui a défendu Ras Jrabah devant le tribunal lors d’une procédure d’appel fin mai, il y a peu de chances que la communauté obtienne gain de cause.

« Le régime foncier en Israël est organisé de telle manière qu’il empêche la communauté bédouine de prouver qu’elle est propriétaire de la terre »a-t-elle déclaré à l’AFP.

Selon l’interprétation faite par la Cour d’une combinaison de lois, israéliennes, mais aussi de l’époque du mandat ottoman et britannique, les Bédouins « sont considérés comme des intrus sur leur propre terrain »Elle ajoute.

Pour Mansour Nasasra, spécialiste des Bédouins du Néguev, les lois ottomanes et britanniques devraient néanmoins jouer en leur faveur.

« Les villages bédouins sont généralement méconnus, bien qu’ils existaient avant 1948 et qu’ils apparaissent dans les archives ottomanes et britanniques. »a-t-il déclaré à l’AFP, précisant qu’ils avaient payé des impôts aux deux pays.

« Je ne suis citoyen israélien que sur le papier, j’ai une carte d’identité et tout le reste, mais je ne bénéficie pas des commodités de base que l’État d’Israël devrait m’accorder »déplore de son côté Hassan Hawashla.

Le tribunal ne s’est pas encore prononcé sur l’appel déposé par la communauté de Ras Jrabah.