Sa démission est passée inaperçue, mais elle en dit long sur le climat à Téhéran. Moins de deux semaines après sa nomination par le nouveau chef de l’Etat réformiste, Massoud Pezeshkian, au poste de vice-président chargé des affaires stratégiques, le diplomate Mohammad Javad Zarif a jeté l’éponge, dimanche 11 août. L’ancien ministre des Affaires étrangères, également architecte de l’accord nucléaire de 2015, entendait mettre en place un gouvernement à tendances réformistes, plus jeune et plus inclusif, mais aussi reprendre les pourparlers avec l’Occident, espérant lever les sanctions qui pèsent sur l’Iran depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis de l’accord en 2018.
Hélas ! Elu le 5 juillet, Massoud Pezeshkian a soumis dimanche à l’approbation du Parlement la liste des membres de son gouvernement, qui comprend plusieurs conservateurs et une seule femme, loin des souhaits de son ticket. « J’ai honte de ne pas avoir pu réaliser ce que j’avais promis concernant la représentation des femmes, des jeunes et des groupes ethniques », Mohammad Javad Zarif a regretté, ajoutant qu’il avait subi des pressions parce que ses enfants détiennent la nationalité américaine – une loi iranienne promulguée en octobre 2022 interdit la nomination à des postes sensibles de ceux qui « eux-mêmes, leurs enfants ou leur conjoint ont la double nationalité. »
Le moment choisi pour l’annonce de cet expert, l’un des plus expérimentés en politique étrangère, n’est pas un hasard. « Dans un contexte régional tendu, où une réponse iranienne est attendue à tout moment l’assassinat d’Ismail Haniyeh (le leader politique du Hamas, ndlr) à Téhéranlargement attribuée à Israël, la République islamique veut paraître intransigeante », analyse le quotidien libanais l’Est-le Jour. Sa démission illustre surtout les désaccords persistants au sein du gouvernement iranien sur les caractéristiques et l’intensité de la réponse à mener, seul ou avec ses mandataires – le Hezbollah libanais, les milices houthies au Yémen et les factions armées chiites irakiennes. Le réformateur Massoud Pezeshkian serait ainsi favorable à une réponse modérée, destinée à éviter une escalade régionale, tandis que les Gardiens de la révolution – une organisation paramilitaire dépendant directement du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei – seraient favorables à une riposte plus modérée. « une opération de sécurité, comme l’assassinat d’une personnalité israélienne, lorsque l’occasion se présente », selon le journal libanais, pour « montrer l’Iran comme une puissance militaire majeure » et agir de manière dissuasive. « La perte de Zarif, qui était le colistier du président pendant la campagne, pourrait être catastrophique pour le mandat de Pezeshkian », a-t-il ajouté. abonde les médias Amwaj, soulignant sa fragilité.
Compte tenu du « nature sensible » des postes ministériels en discussion, le Guide suprême lui-même aurait donné son « approbation » Le président syrien a été favorable à la nomination de plusieurs ministres clés, selon l’Institut d’étude de la guerre (ISW). Et il a privilégié les « durs » connus pour leur répression brutale des manifestants et des dissidents : à l’Intérieur, le général Eskandar Momeni, commandant de la police et ancien membre des Gardiens de la révolution ; et aux Renseignements, Esmail Khatib, qui occupait le même poste sous le président conservateur Ebrahim Raisi, décédé dans un accident d’hélicoptère en mai. Deux postes jugés essentiels pour contrôler les infiltrations étrangères, notamment israéliennes… Leurs nominations doivent encore être approuvées par le Parlement samedi 17 août.
« La politique de la carotte et du bâton »
Sans surprise, l’ampleur de la riposte tant redoutée dépendra finalement du Guide suprême, qui, selon plusieurs proches, insiste pour frapper directement Israël. Des négociations sont en cours avec les Occidentaux, par l’intermédiaire du Sultanat d’Oman, pour atténuer la riposte et la reporter au-delà du jeudi 15 août, date à laquelle doivent reprendre les pourparlers pour une trêve à Gaza entre Israël et le Hamas via des médiateurs américains, qataris et égyptiens. Plusieurs éléments ont été mis sur la table, que le quotidien panarabe Al-Araby Al-Jadid se qualifie comme « politique de la carotte et du bâton », comme un assouplissement des sanctions et la reprise des négociations sur le nucléaire.
Des déclarations faites lundi soir par la Maison Blanche, prédisant « une série d’attaques importantes » de la « cette semaine » Les déclarations de l’Iran et de ses alliés suggèrent cependant que les négociations n’ont pas – ou à peine – abouti. Les présidents américain et français ainsi que les chefs de gouvernement allemand, italien et britannique ont par la suite appelé Téhéran à « renoncer à ses menaces d’attaque militaire contre Israël ». Un appel rejeté mardi par le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, pour qui le pays n’a pas besoin d’un « autorisation » Pour « défendre sa souveraineté » Et « exercer ses droits légitimes ».