Nouvelles locales

En Iran, la police morale fait son grand retour

Arrestation d'une jeune fille par la police morale à Téhéran, le 17 avril 2024

Ces derniers mois, la police des mœurs, chargée de contrôler le respect de la loi sur le port du hijab, se fait plus discrète. Mais, depuis la mi-avril, elle est bel et bien revenue dans les rues iraniennes et est en tête, selon les témoignages recueillis par Le monde et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, des arrestations parfois très musclées, notamment à Téhéran, contre ceux qui osent sortir tête nue. Depuis le décès en garde à vue, en septembre 2022, de Mahsa (Jina) Amini pour une comparution jugée « pas assez islamique », les femmes iraniennes refusent de se couvrir les cheveux. Si ces femmes non voilées restent harcelées et intimidées par des personnes zélées ou proches du régime, elles le sont moins par la police.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés En Iran, un an après la mort de Mahsa Amini, une résistance populaire discrète pour tenter de mener une « vie sans compromis »

Ce n’est plus le cas. À deux reprises, début avril, le guide suprême Ali Khamenei a exprimé son mécontentement face au non-respect de la loi sur le hijab dans la société iranienne. Le 13 avril, la police a donc lancé une nouvelle opération, baptisée « Plan de la Lumière », contre les femmes dévoilées ou mal voilées.

A Téhéran, Sanam (un pseudonyme, pour protéger l’intéressé, comme d’autres témoins cités dans cet article), une informaticienne de 29 ans, a été arrêtée au deuxième jour de cette opération parce qu’elle ne portait pas de foulard, refusant se couvrir la tête et même en porter un dans son sac. « Ne pas porter le foulard est ma façon de me battre pour que les gens n’oublient pas toutes les vies perdues lors des manifestations »explique la jeune femme jointe par Google Meet, l’un des seuls réseaux de communication débloqués en Iran.

La veille de son arrestation, le 13 avril, la République islamique d’Iran a lancé plus de 300 drones, missiles de croisière et missiles balistiques vers Israël, en réponse à l’attaque de Tel-Aviv contre le consulat iranien en Syrie, il y a quelques jours. Le 14 avril, comme beaucoup d’Iraniens, Sanam a passé une nuit blanche à suivre l’actualité. « Je ne savais pas qu’il y avait une nouvelle opération de police des mœurs. Par-dessus tout, j’étais inquiet d’une guerre avec Israël. »elle dit.

Traités comme des délinquants

Le matin, elle sort avec une amie. En sortant d’un café du nord de la capitale, Sanam aperçoit, à quelques centaines de mètres d’elle, deux policiers à moto, talkies-walkies à la main, qui la dévisagent. La jeune femme se met à courir avant d’être encerclée par une voiture de police et un fourgon d’où sortent six femmes en tchador noir. Alors qu’il résistait à monter dans le véhicule, un autre policier s’est approché et lui a donné de violents coups de pied dans le dos. « J’ai plié en deux de douleur », se souvient Sanam. Une autre femme qui filme la scène – une habitude adoptée par de nombreux citoyens iraniens pour documenter la violence des autorités – est également battue et arrêtée. Les policiers motards brandissent leurs matraques en l’air et menacent les voitures qui klaxonnent pour manifester leur colère face à ces arrestations brutales.

Il vous reste 56,52% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page