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En Irak, les balles perdues mutilent chaque jour les corps

En Irak, les balles perdues mutilent chaque jour les corps

Randa Ahmed vaquait à ses tâches ménagères lorsqu’une soudaine explosion l’a surprise. Dans son salon à Bagdad, elle a retrouvé son fils de quatre ans en sang, blessé par une balle perdue, victime comme d’autres Irakiens de la prolifération des armes.

Toute occasion est propice aux fusillades en Irak, ravagé par des décennies de conflit : célébrations de mariage, victoire d’une équipe de football, mais aussi conflits de voisinage, rivalités entre tribus ou règlements de comptes entre factions armées, liés à la scène politique.

« Le ballon est sorti de nulle part »se souvient Mme Ahmed, incapable de comprendre comment son fils Mohamed a été blessé. « Il a été touché à la tête »a-t-elle déclaré à l’AFP, dans sa maison de la banlieue de Bagdad.

En raison de la difficulté de l’opération, les médecins ont déconseillé l’opération pour retirer la balle.

« Son état est grave »poursuit la maman de 30 ans. « Il doit rester sous surveillance : si le ballon bouge, la paralysie est garantie ».

Aujourd’hui, l’Irak a retrouvé un semblant de stabilité, mais le pays sort de près d’un demi-siècle de violence.

En Irak, les balles perdues mutilent chaque jour les corps

Il y a eu les guerres régionales menées par l’ancien dictateur Saddam Hussein, puis l’invasion américaine de 2003 qui a renversé son régime et ouvert la voie à l’une des pages les plus sanglantes de l’histoire du pays, meurtri par un conflit confessionnel et la montée des jihadistes. groupes.

Dans cet Irak de 43 millions d’habitants, les armes, légères et lourdes, inondent les provinces. En 2017, l’ONG spécialisée Small Arms Survey a recensé 7,6 millions d’armes légères en circulation – armes de poing ou armes d’épaule.

« Aujourd’hui, ce chiffre doit être nettement plus élevé »estime Aaron Karp, expert du Small Arms Survey. « À première vue, nous parlons d’une (augmentation) annuelle allant de 3 % à 5 %. »

« Chute du ciel »

Saad Abbas profitait de la fraîcheur de son jardin à Bagdad quand soudain une douleur fulgurante lui déchira l’épaule. En observant le sang couler, il comprend qu’une balle perdue vient de le toucher.

« Le ballon est tombé du ciel »résume l’homme de 59 ans.

Depuis, il reste le plus souvent alité, le projectile logé dans sa chair. Les médecins lui ont déconseillé une opération en raison de son état de santé déjà fragile.

« Je ne peux pas lever le bras. Ça fait mal. Je n’arrive même pas à retirer la couverture du lit. »souffle M. Abbas.

Il y a des coups de feu «quand une équipe de football remporte, lors d’un mariage, des fiançailles. Où vont les balles ? Ils tombent sur les gens »s’exclame le quinquagénaire.

« Les armes doivent être exclusivement entre les mains de l’État ».

La détention illégale d’armes à feu est théoriquement passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Mais les autorités doivent redoubler d’efforts pour vaincre ce fléau, et ont annoncé de nouvelles réglementations en 2023.

« Notre principale préoccupation ne concerne pas les armes légères, mais les armes intermédiaires et lourdes »indique à l’AFP le porte-parole du ministère de l’Intérieur, le général Moqdad Miri.

Un programme récemment adopté permet aux individus de remettre certaines armes – des mitrailleuses par exemple – à l’État en échange d’une indemnisation pouvant aller jusqu’à 4 000 dollars.

Chaque foyer est néanmoins autorisé à ne conserver qu’un seul revolver pour  » protéger « et 697 centres spécialisés ont été désignés pour permettre aux civils d’enregistrer cette pièce.

Dans un pays dominé par une forte culture tribale, « Beaucoup de gens considèrent que les armes à feu font partie de leur identité »reconnaît le général Miri.

Il note également le  » grande quantité «  des armes abandonnées par l’armée irakienne au moment de l’invasion américaine, ainsi que celles que les jihadistes ont importées entre 2014 et 2018.

« Groupes politiques armés »

Reconnaissant que les individus sont « attachés à leur arsenal »L’expert en sécurité Ahmed el-Charifi estime que  » Le plus dangereux « ce sont les armes « aux mains de tribus et de groupes politiques armés ».

Des vidéos sur les réseaux sociaux montrent régulièrement des tirs de roquettes ou de mitrailleuses lourdes échangés par des factions rivales, à Bassora, la métropole du sud, ou ailleurs.

Et régulièrement, un drame meurtrier rappelle cette prolifération des armes.

En avril, un marié a été tué par balle lors de son mariage à Mossoul, dans le nord du pays.

Plus tôt, des affrontements entre proches avaient fait un mort dans un marché bondé de Bagdad.

En avril 2023, à Bagdad, Ahmed Hussein venait de se coucher pour faire sa sieste lorsqu’une douleur soudaine le réveilla. « Je suis tombé du lit, mon pied saignait »explique ce trentenaire à l’AFP.

Ce jour-là, un mariage était célébré près de chez lui.

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