En Inde, la campagne « anti-musulmane » de Narendra Modi atteint un nouveau niveau
Il s’agit là d’une nouvelle escalade dans une campagne électorale par ailleurs largement entachée de manœuvres politiques, de scandales vidéo truqués et de soupçons de fraude. Alors que les Indiens continuent de se rendre aux urnes pour les élections législatives organisées depuis la mi-avril et jusqu’au 1er juin, le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti de droite nationaliste hindou au pouvoir, a été contraint par la commission électorale du pays, de supprimer mercredi 8 mai, une publication vidéo jugée stigmatisante à l’égard des communautés musulmanes.
Sous forme de caricature, la séquence publiée sur le réseau social X présentait des caricatures d’hommes politiques de l’opposition complotant pour abolir les programmes spéciaux d’action positive destinés aux groupes hindous marginalisés au profit des musulmans. Un message jugé « répréhensible » par la commission électorale, qui avait écrit la veille au bureau indien de la plateforme pour l’alerter de ce contenu contrevenant à la législation indienne.
« Discours de haine »
Cette dernière interdit en effet de faire campagne sur des slogans opposés aux communautés, l’État indien étant constitutionnellement laïc. Principal rival du BJP dans cette nouvelle course au pouvoir, le Congrès a, de son côté, déposé une plainte accusant la droite nationaliste hindoue de promouvoir à travers cette vidéo « hostilité entre différentes religions ».
Le cas n’est pas isolé. Le mois dernier, le BJP avait déjà publié une autre vidéo animée sur Instagram, mettant en garde contre le scénario d’une victoire de l’opposition – qui se précipiterait alors pour s’emparer du pouvoir. « tout l’argent et la richesse des non-musulmans à distribuer aux musulmans, leur communauté préférée ». La vidéo a également été supprimée après plusieurs reportages, dénonçant la propagation d’un « discours de haine ».
Depuis le début des élections, la rhétorique « anti-musulmane » de Narendra Modi, le Premier ministre candidat à un nouveau mandat, n’a cessé d’atteindre de nouveaux sommets. Une séquence, en particulier, a provoqué un tollé national. Lors d’un meeting dimanche 21 avril au Rajasthan, dans la région tribale de Bhanswara, il a taxé, sans les nommer ouvertement, les musulmans. « les Infiltrés » sur le point de monopoliser le « richesse de la nation ». » Pensez-vous que votre argent durement gagné devrait être donné aux infiltrés ? Approuvez-vous cela ? »il a harangué la foule, sous les applaudissements.
Dans un climat de grande polarisation de la société indienne, ce discours du Premier ministre, d’habitude moins direct dans ses formulations, a soulevé une vague d’indignation et ouvert la voie au dépôt de plusieurs plaintes. Saisies, les autorités électorales n’ont cependant pas sanctionné le candidat pour lui succéder pour un troisième mandat.
Théorie du « jihad de l’amour »
En fait, ses remarques font écho à un mythe construit par des fondamentalistes hindous prônanthindutva, idéologie religieuse visant à refaire de l’Inde une grande nation hindoue : celle de « J’aime le jihad » (« love jihad »), théorie selon laquelle les musulmans séduisent les femmes hindoues ou chrétiennes uniquement pour les convertir.
Pour prévenir ce soi-disant phénomène, onze États gouvernés par le BJP ont voté ces dernières années « lois anti-conversion ». Entre autres pratiques, ces dernières criminalisent les conversions par mariage. Elles s’inscrivent dans une campagne plus large de dénigrement et de répression des minorités musulmanes – qui représentent 220 millions de fidèles, soit plus de 14 % de la population –, particulièrement exposées aux pressions des nationalistes hindous.