Sur un doigt coquelicot-passion et crémeux yuzu-citron, des étudiants de différentes nationalités apprennent à monter de la chantilly lors d’un cours à l’Ecole Nationale de Pâtisserie (ENSP) d’Yssingeaux en Haute-Loire, la « Mecque » de la discipline qui fête lundi ses 40 ans.
Avec sa poche à douille, une des apprenties pâtissières tente de former une boule sur le dessus du gâteau : « C’est mieux mais ce n’est toujours pas la bonne forme », « appuyez fort »: la chef Marion Baralon donne ses conseils en anglais, reprenant sa main pour dessiner délicatement un marbre parfait.
« C’est toujours intéressant d’enseigner la pâtisserie française, notamment aux étrangers, car ils ne connaissent pas forcément nos techniques »dit-elle en soulignant le « des expériences très différentes » membres de son groupe.
Venus d’Ukraine, d’Italie ou encore du Brésil, les étudiants s’affairent dans l’un des ateliers du bucolique Château Montbarnier qui abrite l’ENSP, devenue Ecole Ducasse depuis l’arrivée en 2007 du chef triplement étoilé, associé au pâtissier Yves. Thuries.
L’établissement, vaste complexe de 7 200 m2, est consacré exclusivement aux arts sucrés : pâtisserie, chocolaterie, glacerie, confiserie, pâtisseries et pain.
La Confédération des Chefs Pâtissiers Français a créé cette école en 1984 pour les professionnels souhaitant poursuivre leur formation. «C’est quarante ans de savoir-faire et d’excellence»note le réalisateur Luc Debove.
De la star des réseaux sociaux Cédric Grolet au pâtissier savoyard sacré meilleur pâtissier du monde 2024 Sébastien Vauxion, « tous les pâtissiers » est passé par l’ENSP, note le directeur, qui cite également les meilleurs ouvriers de France Laurent Le Daniel, Ludovic Mercier et Emmanuel Ryon.
Croustillant
Cette formation « c’est vraiment une super expérience »estime Valentina Kargapolova, 42 ans, d’Italie, particulièrement » heureux « travailler avec des produits locaux. « Le chocolat, on a vu l’usine où il est fabriqué »» s’enthousiasme-t-elle.
«Nous avons eu la semaine du pain»un autre a été dédié « aux desserts à l’assiette. Cette semaine, nous faisons des tartes »elle décrit en se disant « vraiment satisfait » leçons dispensées.
« Je suis ici pour me perfectionner en pâtisserie et tout le monde sait que l’Ecole Ducasse est la meilleure de France »complète l’Ukrainienne Oksana Kramarenko, 35 ans, qui réalise son » rêve « apprendre la pâtisserie française.
Dans un autre atelier, les élèves passent leur première épreuve du CAP, qui consiste à réaliser une tarte aux pommes : « il faut faire très attention à couper les pommes très uniformément, assez fines, pas trop épaisses » et de les disposer harmonieusement, explique la chef Kristina Daciolaite, 31 ans.
Les étudiants doivent ensuite identifier les défauts en goûtant leurs réalisations : « C’est bien s’ils peuvent reconnaître les textures. Si la croûte est croustillante, elle manque peut-être de croustillant. Si c’est une pâte lisse, il y a peut-être des grumeaux »explique-t-elle, ajoutant que l’aspect visuel et la cuisine sont également pris en compte dans la partition.
Innovant
Hugo Pralus, fils du chocolatier roannais François Pralus, dont certains salariés ont suivi des cours à l’ENSP, décrit la formation « extrêmement complet ».
Il a lui-même participé à des formations : « On voit des choses qu’on n’a pas l’habitude de faire, des techniques, des gestes, des recettes… Avec des chefs totalement innovants ou au contraire plus traditionnels, comme le faisait mon grand-père »Auguste Pralus, meilleur ouvrier de France, dit-il.
L’école accueille 1 500 étudiants par an en formation continue ou initiale, dont 70 % sont étrangers une partie de l’année. Les étudiants financent leur formation et sont sélectionnés sur dossier avant de passer un entretien de motivation.
Vingt-deux pâtissiers enseignent sur le site en permanence et quarante-neuf meilleurs ouvriers de France, champions du monde ou grands chefs viennent partager leur savoir-faire.
« On se tourne automatiquement vers cette école pour voir les techniques qui sont mises en place et les nouvelles tendances »selon Luc Debove pour qui « C’est un peu la Mecque de la pâtisserie ».