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en Grèce, un site antique menacé par la montée inexorable de la mer Égée

en Grèce, un site antique menacé par la montée inexorable de la mer Égée

Dans l’archipel des Cyclades, Délos, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, risque de disparaître à cause du réchauffement climatique et de l’activité touristique.

A l’horizon, le bleu insolent de la mer Égée, des îlots rocheux épars, des voiliers se dirigeant vers l’île grecque de Mykonos. Mais sur les rives de la petite île de Délos, se joue un drame silencieux : des murs de pierre vieux de près de deux mille ans sont dévastés par les assauts de la mer dont le niveau monte inexorablement. Dans l’archipel des Cyclades, le site archéologique de Délos, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1990, risque d’être détruit à cause du réchauffement climatique.

« Délos est condamnée à disparaître dans une cinquantaine d’années »diagnostique Véronique Chankowski qui dirige l’École française d’Athènes (EFA), l’établissement chargé des fouilles depuis 150 ans. « Ce parc archéologique qui nous fournit aujourd’hui des informations considérables (sur le monde antique, NDLR), on ne le verra peut-être plus », ajoute-t-elle lors d’un entretien avec l’AFP à Athènes. Le niveau de la mer dans le bassin méditerranéen a augmenté de 2,8 mm par an au cours des dernières décennies, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

En raison de la tectonique des plaques, Délos s’enfonce progressivement. L’île, habitée aujourd’hui par une poignée d’archéologues l’été et deux gardiens l’hiver, est l’un des trésors du monde antique et fut une plaque tournante du commerce en Méditerranée durant l’Antiquité. La ville cosmopolite, qui connut son apogée sous les Romains, comptait au moins trente mille habitants. Son sanctuaire dédié à Apollon, dieu des arts et de la beauté né, comme sa sœur Artémis, à Délos, attirait des pèlerins de toute la Grèce.

« Les murs s’effondrent »

Le sanctuaire dédié à Apollon, dieu des arts et de la beauté qui, comme sa sœur Artémis, était né à Délos, attirait des pèlerins de toute la Grèce.
ARIS MESSINIS / AFP

Dans le théâtre antique, Athéna-Christiana Loupou, une archéologue grecque qui guide les groupes à travers la maison de Cléopâtre ou la terrasse des Lions, s’inquiète. « Toutes les villes côtières perdront des parties importantes actuellement situées au niveau de la mer »assure-t-elle. « Nous avons remplacé les pailles en plastique par des pailles en papier mais nous avons perdu la guerre » pour protéger l’environnement, affirme-t-elle avec amertume.

Pour se rendre compte de l’ampleur des dégâts, il faut se rendre dans une zone fermée aux visiteurs, traverser des buissons parfumés à l’origan pour atteindre, les pieds dans l’eau, la zone des magasins. Elles furent des lieux de commerce et de stockage aux Ier et IIe siècles avant JC.

« Chaque année au printemps, je constate que de nouveaux murs s’effondrent »déplore Jean-Charles Moretti, chercheur au CNRS IRAA et directeur de la mission archéologique française de Délos. « L’eau entre dans les magasins en hiver, elle ronge le pied des murs »poursuit cet archéologue qui effectue des missions sur l’île depuis 40 ans. « Ils s’effondrent d’un coup ». Ces dernières années, les experts ont constaté une forte accélération de la montée des eaux. « En l’espace d’une dizaine d’années, nous avons en moyenne, selon la localisation du littoral, jusqu’à vingt mètres d’élévation du niveau de la mer »explique Véronique Chankowski.

Excès de tourisme

La hausse des températures pourrait sérieusement affecter la composition chimique de certains matériaux utilisés dans la construction des bâtiments.
ARIS MESSINIS / AFP

Des mesures d’urgence ont été prises avec la pose d’étais en bois pour soutenir certains murs. Mais des solutions durables sont « extrêmement complexe »explique Véronique Chankowski. « Il faut travailler dans une logique multidisciplinaire » afin de concevoir « un écosystème de protection opérant dans différents domaines »d’après elle.

Le dérèglement climatique, avec la survenue d’événements extrêmes tels que la vague de chaleur sans précédent dans sa durée qu’a connue la Grèce en 2023, a un impact sur le patrimoine culturel, selon une étude réalisée en Grèce. « Tout comme le corps humain, les monuments sont construits pour résister à différentes températures », a indiqué Efstathia Tringa, chercheuse en météorologie et climatologie à l’Université Aristote de Thessalonique, dans le quotidien Kathimerini. La hausse des températures et des taux d’humidité plus élevés pourraient affecter sérieusement la composition chimique de certains matériaux utilisés dans la construction de bâtiments.

À Délos, le tourisme excessif constitue également une menace. Les soirs d’été, sur les pentes dénudées de l’île, on entend la musique des tambours des discothèques en plein air de Mykonos. Et en journée, les bateaux déferlent sur les visiteurs en tongs et chapeaux de paille du voisin turbulent et excentrique qui attire de plus en plus de bateaux de croisière. Toutefois, le patrimoine est soumis à « un piétinement continu qui a parfois lieu en dehors des sentiers balisés »selon Mme Chankowski.


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