En France, des riches moins nombreux mais toujours plus riches
Qui est riche en France ? En l’absence de « seuil de richesse », comme il existe un seuil de pauvreté, la question divise. « Les riches, ce sont toujours les autres car il y a forcément des gens plus riches que vous »résume Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités qui publie, mercredi 5 juin, son troisième rapport sur les riches en France.
Pour ces travaux, l’Observatoire fixe, comme l’OCDE, le seuil de richesse au double du revenu médian (1 930 € après impôts et prestations sociales), soit 3 860 € pour une personne seule. Avec une pondération selon la composition du ménage, on arrive à des revenus de 5 970 € pour un couple ou 9 850 € pour une famille avec deux enfants de plus de 14 ans.
A cette aune, l’Observatoire des inégalités dénombre 4,7 millions de riches en France, soit 7,4% de la population. Un chiffre en baisse (–800 000 depuis 2011) mais qui s’accompagne d’un renforcement de la richesse dans cette partie de la population (1,28 fois le seuil de richesse en 2021, contre 1,26 en 2011).
« La France qui vit bien est très loin de se limiter aux PDG de grandes entreprises »
« Cette intensification des richesses est portée principalement par le haut de l’échelle », explique Anne Brunner, directrice des études à l’Observatoire. Si les 1 % les plus riches capturaient 7,7 % du revenu avant impôts au début des années 1980, ils en représentaient 12,7 % en 2021. « La forte hétérogénéité au-dessus du seuil de richesse ne doit cependant pas cacher que, quand 93 % de la population est moins riche que vous, on devrait pouvoir vous qualifier de riche », note Louis Maurin. Le rapport contraste aussi avec une idée reçue que les débats sur les ultra-riches font oublier : une bonne partie des revenus des 7,4% les plus riches proviennent du travail, notamment celui des cadres supérieurs.
« La France qui vit bien est très loin de se limiter aux PDG de grandes entreprisesinsiste le rapport. Plus généralement, que ce soit dans le secteur public ou privé, il s’agit de catégories qui décident, qui donnent des ordres, qui orientent les stratégies et les politiques publiques. » Un quart des cadres ont ainsi un niveau de vie supérieur au seuil de richesse, soit trois fois plus que le reste de la population active.
Les riches vivent 1,5 fois plus nombreux que les autres
Les inégalités salariales ont également tendance à se creuser : à mesure que les hauts revenus gagnent en pouvoir d’achat, ils s’éloignent des pauvres. L’Observatoire des inégalités voit là le renversement d’une tendance de longue durée de réduction des écarts amorcée par les accords de Grenelle de 1968 et la création du salaire minimum, ancêtre du salaire minimum (salaire minimum). Ce resserrement semble avoir été fragilisé plus récemment par la hausse rapide du salaire minimum. Mais les bas salaires au-dessus de ce minimum stagnent.
A côté du travail, le patrimoine joue aussi son rôle. « Riche en patrimoine et revenus se chevauchent largement », explique Anne Brunner. La corrélation est d’autant plus forte que leurs actifs se constituent progressivement grâce à l’épargne provenant des revenus du travail. D’où une concentration des richesses parmi les plus âgés. Avec un effet accélérateur : les 10 % les plus riches ont vu leur richesse augmenter de 53 % entre 2009 et 2022, contre une augmentation de 45 % pour la moitié la moins aisée.
Si le patrimoine immobilier joue un rôle (87% des riches sont propriétaires et deux tiers possèdent un deuxième bien), Louis Maurin refuse de surestimer son poids dans la richesse. « On n’est certainement pas riche de la même manière à Paris qu’à Cahors, il admet. Cependant, nous avons réalisé que (peu importe où ils habitent) ceux qui se situent au-dessus du seuil de richesse ont une superficie 1,5 fois plus grande que ceux qui vivent en dessous. »