En Europe, le désarroi teinté de colère des territoires délaissés
« En Calabre, nous manquons de tout, nous sommes loin de tout », dit Teresa Rossi, 58 ans, dans un souffle d’amertume qui résume bien la fatigue du quotidien. En ce matin pluvieux d’avril, elle a parcouru les rues du centre-ville désert de Cosenza pour obtenir de l’aide pour le diocèse auprès de la Caritas, le Service de secours catholique italien. M.moi Rossi fait partie des 240 000 Calabrais qui ne perçoivent plus le revenu de citoyenneté, une aide que le gouvernement de Giorgia Meloni a supprimée en 2023. Ayant perdu son emploi à temps partiel d’assistante pour personnes âgées, elle n’a plus de quoi payer ses factures, tandis que elle accueille toujours trois de ses enfants adultes. Ils survivent difficilement entre le chômage et le travail quotidien au noir, deux des nombreux maux qui frappent la jeunesse calabraise.
Dans la cuisine du diocèse, des bénévoles préparent les repas pour une vingtaine de personnes. « Chez nous, les jeunes qui peuvent partir, regrette amèrement l’une d’elles, Mirella Spadafora, 69 ans. Il n’y a pas de travail, pas d’avenir. Un jour, il ne restera plus personne. » A Caritas Calabria, nous déplorons, depuis la pandémie de Covid-19, l’apparition de « nouveaux pauvres » dans cette périphérie du sud de l’Italie, démunie par rapport aux régions prospères et industrieuses de la plaine de Padan et de la Vénétie. Ici, 31 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Et en arrière-plan de ce sombre bilan se déploie le clientélisme et la présence tentaculaire de la ‘Ndrangheta, cette mafia mondialisée qui conserve ses racines dans une terre d’origine dont elle corrompt profondément la vie économique et politique.
La tragédie calabraise raconte l’histoire complexe et protéiforme des terres européennes abandonnées. Celle qui est à la traîne de la grande convergence observée et célébrée entre les économies des États membres – notamment entre celles de l’Ouest et les dix pays, principalement d’Europe centrale et orientale, qui ont rejoint l’Union européenne (UE) en mai 2004. . « Le rattrapage de ce dernier a été très net », résume Pawel Tokarski, spécialiste de l’économie européenne à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité, à Berlin. Leur produit intérieur brut (PIB) par habitant est en effet passé de 52 % à 80 % de la moyenne de l’UE, selon le neuvième rapport sur la cohésion de la Commission européenne, publié le 27 mars. Et même 91 % en République tchèque et Slovénie.
« Phénomène d’hypermétropolisation »
Mais derrière ces grandes moyennes nationales, le détail des chiffres au niveau régional offre une image bien différente. Celle d’une Europe où les capitales et les métropoles captent une grande partie des richesses, au détriment des territoires périphériques et ruraux.
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