En Estonie, la France forme la défense civile pour faire face à la menace russe
Allongés dans les myrtilles, les soldats français et les volontaires estoniens se font face. Il était 7h45 ce dimanche matin lorsque les premiers échanges de tirs ont eu lieu dans la forêt d’un grand camp de manœuvre militaire estonien. Il s’agit de l’opération « Hubert ». Toute la nuit, les Français préparent leur infiltration, les obligeant à traverser une rivière pour attaquer l’ennemi et le repousser. Sur le terrain, on retrouve une trentaine de volontaires de la Ligue de défense estonienne. Le but de l’exercice « apprenez-leur à bien remplir leur mission : interdire », explique le lieutenant François, chef de section.
Au petit matin, Français et Estoniens font le point. « Ils étaient très professionnels, notamment au niveau du camouflage, on avait du mal à les détecter », assure Timothé de première classe. Du côté estonien, nous avons apprécié « compétences tactiques » des Français. L’exercice était un test pour les volontaires locaux, destinés à devenir chefs de groupe. L’exercice se veut réaliste : c’est ainsi que les volontaires doivent se défendre contre une armée plus puissante qui envahit leur pays.
« Défense totale »
L’Estonie, qui compte seulement 1,2 million d’habitants, dispose d’une très petite armée professionnelle. La Ligue de défense, organisation créée le 11 novembre 1918, alors que le pays venait de devenir une république indépendante, a donc un rôle primordial à jouer en cas de conflit. Dans ce pays balte prévaut le concept de « défense totale » : l’ensemble de la population est appelé à résister en cas d’invasion par une armée étrangère.
Aujourd’hui, la Ligue compte près de 20 000 membres, parmi lesquels figurent des spécialistes de la logistique, de la médecine de guerre et des unités de combat. Ceux-ci, qui s’entraînent régulièrement, sont intégrés dans les plans de défense du pays. Le financement de la Ligue est conséquent : 240 millions d’euros pour la période 2025-2028. Elle est également bien armée : fin octobre, la ligue a reçu 20 drones d’attaque et quatre drones de reconnaissance.
« Agressif dans les tranchées »
Depuis 2017, une force de l’OTAN est présente en Estonie. Les Français y participent pour rassurer leur allié. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’Estonie a demandé aux États membres de l’OTAN de faire davantage, notamment en matière de formation. « On est vraiment dans un échange de savoir-faire », souligne le commandant Jean-Patrick. Les Français apportent une connaissance du combat en unités constituées, les Estoniens des drones et des techniques de guérilla.
« On apprend à être agressif dans les tranchées » explique Indrek, étudiant en électronique. Née en Sibérie où elle avait été déportée, sa grand-mère ne put retourner en Estonie qu’après la mort de Staline en 1953. « L’ensemble de la population est concernée par les questions de défense, assure le capitaine Maxime. Les Estoniens de la Ligue travaillent un peu comme nous, même s’ils n’ont pas le statut de réservistes. »
Après trois mois passés sur place, les Français repartiront mi-décembre avec une meilleure connaissance du terrain : «Beaucoup de marécages, de grosses coupures humides, de gros découverts» résume le lieutenant Kevin. Grâce aux volontaires, les soldats français apprennent à s’y déplacer plus rapidement. Le conflit en Ukraine n’est pas directement abordé par les Estoniens et les Français. Mais c’est comme s’il flottait dans les airs.
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