SSur scène ou dans les coulisses, artistes et responsables culturels profitent du Festival d’Avignon pour se poser trois questions existentielles. Ils se tournent vers le passé pour évaluer leur responsabilité dans la montée de l’extrême droite, se demandent comment agir avant les élections législatives de dimanche 7 juillet et imaginent de quoi on les mangera demain.
Prenons la réunion privée, sans public ni journalistes, qui a eu lieu dans la majestueuse chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon (Gard), aux portes de la cité des Papes, le 1euh et le 2 juillet. Une quinzaine de directeurs des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) étaient autour de la table. Ces hauts fonctionnaires sont les précieux relais du ministère de la Culture dans les villes et les villages, assurent le lien avec l’Etat et octroient des subventions aux sites patrimoniaux et aux artistes.
Ces dirigeants sont tenus à la réserve. Leurs propos sont mesurés. Mais on sent qu’ils sont nerveux. Par le passé, ils ont su composer avec des ministres de gauche ou de droite, comme ils le font au quotidien avec des maires de tous bords. Mais cette fois, ils craignent l’inconnu et une rupture. Que doivent-ils faire si une directive du ministère va à l’encontre de leurs convictions ? Rester ou démissionner ? Résister, mais comment ? « Chacun agira selon son âme et sa conscience. » La question est d’autant plus cruciale que, début juillet, chaque DRAC doit transmettre au ministère de la Culture ses propositions de subventions pour le budget 2025.
La tendance est de garder la tête froide au nom d’un constat : « Le gouvernement n’est pas l’État. » Écoutez : la gestion culturelle en France, animée par des tempéraments forts et des mécanismes complexes où se mêle l’argent de l’Etat à celui des collectivités locales, dépend autant de l’administration que des ministres qui sont souvent remplacés au moment où ils en comprennent le fonctionnement.
A la tête du Festival d’Avignon, Tiago Rodrigues est loin de ces combinaisons où il faudra jouer serré. De tous les chefs d’institutions culturelles importantes, il est le plus offensif à l’égard du Rassemblement national (RN). Aussi, dans la nuit du 4 au 5 juillet, la cour du Palais des Papes a été le théâtre d’une « Nuit d’Avignon », visant à fédérer les paroles contre l’extrême droite. Son combat est clair : « Nous nous battrons pour qu’au soir du 7 juillet, Avignon entre en fête plutôt qu’en résistance. » Il le décrit comme « trahison » le fait de « collaborer avec l’extrême droite ».
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