En Corée du Nord, la culture du pavot à opium remplace la production de méthamphétamine
La production de méthamphétamine en Corée du Nord, destinée à l’exportation mais aussi à la consommation intérieure, a longtemps été un pilier de l’économie du pays. Mais la crise sanitaire a permis à une autre drogue, également produite par Pyongyang, de prendre son essor : l’opium.
Pyongyang coupé du reste du monde
Plus de quatre ans après le début de la pandémie de Covid-19, la Corée du Nord souffre encore profondément des effets de son isolement quasi total du reste du monde, entamé début 2020. Plusieurs experts du pays ont confié à CNN en 2023 que la Corée du Nord traversait sa pire crise depuis la « Marche forcée », une période de famine des années 1990 durant laquelle entre 500 000 et 600 000 personnes auraient péri, selon le Bureau américain du recensement. Des témoignages de Nord-Coréens décrivant des familles entières mourant à cause du manque de nourriture – recueillis par la BBC – confirment que plusieurs régions du pays sont actuellement touchées par la faim.
Mais l’isolement de Pyongyang ne perturbe pas seulement le secteur alimentaire. Les importations en provenance de Chine de produits nécessaires à la fabrication de méthamphétamine sont également perturbées.
L’opium, plus facile à produire et moins cher
L’opium devient peu à peu la principale drogue produite par les Nord-Coréens, selon des habitants du pays interrogés par Radio Free Asia (RFA). Jusqu’à présent, la méthamphétamine était une drogue tellement courante en Corée du Nord que de nombreuses personnes s’en offraient pour le Nouvel An lunaire. L’utilisation de cette drogue dans le domaine médical, dans un pays au système de santé très défaillant, est également très courante.
Même si les échanges commerciaux avec la Chine reprennent, le trafic de matières premières ne suffit pas à atteindre les niveaux de production de méthamphétamine d’avant la pandémie. Les agriculteurs peuvent en revanche cultiver le pavot beaucoup plus facilement. Selon un agriculteur du comté de Kowon, dans la province de South Hamkyeung, qui a déclaré à RFA : « Cinq ménages sur dix produisent de l’opium » dans son village. Cette récolte est ensuite utilisée à des fins personnelles, mais est le plus souvent vendue à des prix inférieurs à ceux de la méthamphétamine, ce qui explique en partie sa popularité.
Un bouleversement sur le marché des médicaments
Si l’opium est vendu sur le marché intérieur, le déplacement de la production en Corée du Nord intervient alors que le marché mondial de la drogue a connu de profonds bouleversements ces dernières années, notamment après la reprise de l’Afghanistan par les talibans. Le nouveau régime islamiste de Kaboul a interdit la culture du pavot, utilisé pour produire de l’opium et de l’héroïne.
Résultat, la production de pavot a occupé 233 000 hectares en 2022, contre 10 300 fin 2023, avec un rendement d’environ 330 tonnes d’opium. Cet effondrement a permis à la Birmanie, qui aurait produit 1 080 tonnes d’opium en 2023 selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), de devenir le leader du marché, même si son niveau de production reste bien inférieur à celui de l’Afghanistan avant l’interdiction de cette culture.
La production de méthamphétamine, en revanche, a explosé en Afghanistan dans les années précédant la prise du pouvoir par les talibans : selon les données de l’ONUDC, la quantité de méthamphétamine saisie par les autorités est passée de 2,5 tonnes en 2017 à 29,7 tonnes en 2021.
GrP1