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En colère contre l’Allemagne, le Botswana menace de lui expédier 20 000 éléphants

En colère contre l’Allemagne, le Botswana menace de lui expédier 20 000 éléphants

Mécontent d’une éventuelle interdiction d’importation de trophées de chasse en Allemagne, le Botswana, qui abrite la plus grande population de pachydermes au monde, a menacé d’envoyer 20 000 éléphants à Berlin. Selon le président Mokgweetsi Masisi, la chasse permet de réguler le nombre d’éléphants avec lesquels la cohabitation est de plus en plus difficile. Un argument battu en brèche par les militants des droits des animaux.

Il voulait créer du buzz. On peut dire que Mokgweetsi Masisi a réussi. Dans une interview publiée mercredi 3 avril dans Bild, le tabloïd le plus lu d’Allemagne, le président du Botswana a menacé d’offrir 20 000 éléphants à Berlin pour que « les Allemands commencent à comprendre ce que vivent les Botswanais au quotidien ».

« Nous aimerions offrir un tel cadeau à l’Allemagne », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas une blague », a déclaré le président du Botswana.

Dans cette interview, le dirigeant africain affirme que les efforts de conservation ont conduit à une explosion du nombre d’éléphants dans son pays ces trente dernières années et que la chasse est un bon moyen de réguler le nombre de pachydermes.

Alors quand Berlin veut interdire l’importation des trophées de chasse, Gaborone voit rouge. « Il est très facile de s’asseoir à Berlin et d’avoir une opinion sur nos affaires au Botswana. Nous payons le prix de la préservation de ces animaux pour le monde entier », a déclaré Mokgweetsi Masisi.

A peine plus grand que la France, ce pays d’Afrique australe de seulement 2,5 millions d’habitants est un exemple de préservation de la faune sauvage : 40 % de son territoire est classé en espaces naturels protégés et il abrite à lui seul près d’un tiers de la population mondiale d’éléphants, soit 130 000 mammifères.

Vivre avec les éléphants

Alors que le nombre de pachydermes continue de diminuer sur le continent africain, il a triplé depuis le milieu des années 1980 au Botswana. Cependant, la cohabitation entre ces animaux de 6 tonnes et la population est loin d’être de tout repos. Comme les éléphants ne sont pas confinés dans les réserves, ils se déplacent librement, tuant parfois du bétail, piétinant les cultures ou provoquant parfois des incidents mortels avec les humains. La vie quotidienne avec les éléphants est particulièrement difficile dans le delta de l’Okavango où des milliers de villageois subissent les nuisances et les dangers liés à la présence d’une faune protégée.

Des éléphants traversent une route à Kasane, dans le district de Chobe, au nord du Botswana, le 28 mai 2019. © Monirul Bhuiyan, AFP

Sous la pression des communautés locales, le président Masisi a décidé de réintroduire des quotas de chasse en 2019 après cinq ans d’interdiction totale introduite pour inverser le déclin des populations d’éléphants. Avec cette décision, le Botswana s’aligne sur les pratiques de ses voisins comme la Namibie et le Zimbabwe, qui autorisent la chasse à l’éléphant.

L’objectif affiché était alors de réduire le nombre de pachydermes et de les éloigner des villages. « Les éléphants sont des créatures intelligentes et évitaient donc autant que possible les zones de chasse jusqu’à ce que la chasse soit interdite », explique Dilys Roe, présidente de l’Union internationale pour la conservation de la nature, interrogée par NBC.

Mais une fois l’interdiction entrée en vigueur, les éléphants « ont non seulement réintégré ces zones, mais se sont également aventurés dans les terres agricoles adjacentes, causant d’énormes dégâts aux cultures et aux moyens de subsistance », ajoute l’expert.

Toutefois, les associations de défense des animaux assurent que d’autres moyens, beaucoup moins expéditifs, existent pour contrôler les populations de cet animal emblématique de la biodiversité. Exemple avec l’immunocontraception qui bloque la fécondation de l’ovule chez la femelle. Une méthode efficace et devenue particulièrement répandue en Afrique du Sud. Par ailleurs, les ONG accusent la chasse de désorganiser les troupeaux et d’augmenter les risques d’attaques.

Un permis de tuer à 35 000 euros

Au-delà de la question de régulation, la chasse est aussi un bon moyen de faire entrer des devises étrangères dans le pays. Notamment en misant sur le tourisme haut de gamme, l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie après l’exploitation des mines de diamants dont le Botswana est le deuxième producteur mondial.

Car la chasse à l’éléphant n’est pas accessible à toutes les bourses. Transport, nourriture, équipe de plusieurs guides… les clients fortunés doivent payer de nombreux frais, dont un coûteux permis de chasse s’élevant à plusieurs dizaines de milliers de dollars.

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En 2020, la première vente de permis réalisée après la réintroduction de la chasse a rapporté plus de deux millions de dollars aux finances publiques du Botswana. Il y avait sept lots autorisant l’abattage de dix éléphants chacun, soit 35 000 euros par tête.

Les prix peuvent s’envoler pour les spécimens les plus rares. En 2022, un chasseur sud-africain a déboursé 50 000 dollars (environ 46 000 euros aux tarifs actuels) pour tuer un Tusker, un éléphant en voie de disparition doté de très grosses défenses. Un safari meurtrier qui, à l’époque, avait fait scandale.

Alerte sur Hyde Park

Depuis plusieurs années, les passionnés de chasse aux grands mammifères africains sont dans le viseur de Bruxelles. Plusieurs pays européens dont la France, les Pays-Bas et la Belgique ont interdit l’importation de trophées comme les têtes, peaux ou défenses d’animaux protégés.

L’Allemagne, premier importateur européen de trophées de chasse, pourrait désormais emboîter le pas. Plus tôt cette année, le ministre allemand de l’Environnement a évoqué la possibilité d’imposer des limites plus strictes à l’importation de trophées au nom de la protection de l’environnement et de la lutte contre le braconnage.

« Compte tenu de la perte alarmante de la diversité biologique, nous avons la responsabilité particulière de faire tout notre possible pour garantir que l’importation de trophées de chasse soit durable et légale », a déclaré le ministère allemand de l’Environnement au Guardian.

Une décision qui va appauvrir le Botswana, déplore son président dans Bild. Là encore, cet argument est remis en cause par les ONG. Car les revenus générés par les trophées ne profitent guère aux populations locales. Si ce pays d’Afrique australe se classe parmi les nations les plus prospères du continent avec un PIB par habitant d’environ 8 000 dollars, il est aussi l’un des plus inégalitaires au monde.

Malgré le coup de colère du président Masisi, la présence de milliers d’éléphants prenant une bouffée d’air frais sur les bords du Rhin ou gambadant dans les plaines de Saxe n’est pas pour demain. « Il n’y a actuellement aucune demande officielle pour transférer 20 000 éléphants du Botswana vers l’Allemagne », a sobrement commenté un porte-parole du gouvernement allemand.

La menace farfelue du président aurait pu paraître plus crédible si Mokgweetsi Masisi ne l’avait pas proférée il y a quelques semaines. Pour protester contre un vote des députés britanniques proposant d’interdire l’importation de trophées, il promet d’envoyer 10 000 pachydermes à Hyde Park. Sans surprise, Londres n’a toujours pas vu le moindre klaxon à l’horizon.

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