Nouvelles locales

En Cisjordanie, Israël poursuit sa politique d’annexion illégale en toute impunité

Dans Dans l’ombre de la guerre à Gaza et au mépris du droit international, Israël poursuit sa politique d’annexion illégale de terres palestiniennes. Le 25 juin, l’État israélien a approuvé la saisie de 1 270 hectares dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée. Ces terres, situées à une cinquantaine de kilomètres au nord de Jéricho, sont désormais « propriété de l’État ».

Une saisie révélée mercredi 3 juillet, jamais vue depuis plus de trente ans et les accords de paix d’Oslo en 1993 selon l’organisation anticoloniale israélienne « Paix Maintenant » qui documente les accaparements de terres en Palestine.

Ce n’est pas la première annexion illégale de l’année 2024 pour favoriser l’expansion des colonies israéliennes. En mars dernier, 800 hectares avaient déjà été saisis et encore dans la vallée du Jourdain, en février, 263 hectares à l’est de Jérusalem ou encore 17 hectares dans le Gush (« bloc » en hébreu) ​​Etzion, qui regroupe plus d’une quinzaine de colonies au sud de Jérusalem.

Au total, en 2024, en moins de sept mois, Israël a officiellement annexé quelque 2 370 hectares (23,7 km2). Une figure qui « dépasse de loin toute autre opération enregistrée depuis le début de ce siècle »note le média israélien Times of Israel. Ce dernier rappelle le précédent record – 478 hectares en 2014 – qui remontait à dix ans et donne ainsi une idée de l’ampleur inédite atteinte aujourd’hui.

Depuis le 7 octobre 2023, alors que Gaza est sous les bombes israéliennes, la politique de colonisation des territoires palestiniens bat son plein en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. Pour accélérer le déplacement des Palestiniens de leurs terres, la violence coloniale ne cesse de redoubler en toute impunité, « de manière spectaculaire, en intensité, en gravité et en régularité », comme l’a récemment souligné un rapport des Nations Unies.

Selon les autorités palestiniennes, au moins 568 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par des tirs de soldats ou de colons israéliens depuis le 7 octobre. Plus d’une douzaine ont été tués cette semaine dans le nord du territoire lors d’un raid israélien sur le camp de Jénine, ainsi qu’un enfant et une femme lors d’un assaut israélien dans la région de Tulkarem.

« Cette politique d’annexion, qui équivaut selon l’ONU au transfert par Israël de sa propre population civile dans les territoires occupés, a un seul but : empêcher la solution à deux États, la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Le gouvernement Netanyahou apporte un soutien sans précédent aux colonies. », Mario Lapschik, l’un des leaders de « La Paix Maintenant », dénonce auprès de Mediapart.

Et pour souligner l’un des principaux artisans de cette « folie coloniale »l’un des hommes forts du gouvernement Netanyahu, un colon connu pour son racisme anti-arabe parmi les plus farouches opposants à un plan de paix à Gaza : le suprémaciste juif, Belazel Smotrich, ministre des Finances, chargé des colonies au sein du ministère de la Défense.

Le leader du parti d’extrême droite « Sionisme religieux » veut la guerre à Gaza ainsi qu’en Cisjordanie, où il entend faire de la « Judée et Samarie » (le nom biblique donné à la Cisjordanie) une partie intégrante d’Israël.

Cette politique d’annexion a un seul objectif : empêcher la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël.

Mario Lapschik, militant de l’ONG Peace Now

Le 21 juin, le New York Times a révélé le contenu d’un enregistrement, fourni par un chercheur de Peace Now, mettant en lumière les ambitions de Smotrich de transformer radicalement l’administration de la Cisjordanie afin de renforcer le contrôle d’Israël sur celle-ci sans être accusé de l’annexer formellement, le tout avec la bénédiction du Premier ministre Netanyahu. Et ce à un moment où la pression internationale s’accroît en faveur d’un État palestinien englobant la Cisjordanie et Gaza.

Le ministre a expliqué qu’il avait créé « un système civil indépendant » Le plan prévoit de retirer à l’armée israélienne l’autorité sur la Cisjordanie et de la confier à des civils travaillant pour elle au sein du ministère de la Défense. Certaines parties du plan ont déjà été mises en œuvre au cours des 18 derniers mois, et une partie de l’autorité a déjà été transférée à des civils, décrit le quotidien américain.

« Je vous le dis, c’est méga spectaculaire (…). De tels changements ébranlent l’ADN même du système (…) Ce sera plus facile à « avaler » dans le contexte international et juridique. Comme ça, ils ne diront pas que nous annexons la Cisjordanie. »Smotrich a déclaré devant des colons juifs près de Qalqilya (nord).

Le plan prévoit notamment de donner aux civils un plus grand contrôle sur la construction des colonies, d’investir des fonds publics dans des avant-postes (des colonies sauvages non reconnues par le gouvernement israélien) et de démolir plus rapidement les bâtiments palestiniens construits sans l’autorisation d’Israël… Il en dit long sur le processus en cours et son accélération depuis le 7 octobre 2023.

Cette année 2023 a aussi battu le record des colonies sauvages, selon « Peace Now ». Vingt-six « avant-postes » ont été établis à travers la Cisjordanie, dont dix depuis le début de la guerre à Gaza contre cinq en 2022 (le gouvernement israélien n’était pas encore dirigé par Netanyahou et des ministres d’extrême droite à l’époque, il le sera à partir de décembre 2022).

La création de ces avant-postes a conduit, selon le mouvement israélien, à l’expulsion d’environ 1 345 Palestiniens, contraints de fuir leurs foyers sous les assauts des colons. Plus d’une vingtaine de communautés palestiniennes ont été déplacées et déracinées, la majorité pendant la guerre. Un nombre record de 12 349 logements ont été promus dans les colonies de Cisjordanie, sans compter celles de Jérusalem-Est.

« Israël est en train de créer un seul État où les Palestiniens vivant au-delà la ligne verte « Les colons n’ont aucun droit civil, alors que les colons jouissent de tous les droits. Et nous savons exactement quel est le nom de ce système de gouvernement. »condamne Mario Lapschik, de l’ONG « Peace Now ».

Dans une déclaration conjointe publiée vendredi 5 juillet avec trois organisations palestiniennes membres (Al-Haq, Al-Mezan, Centre palestinien pour les droits de l’Homme), la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a dénoncé des actes constitutifs de crimes de guerre selon la Quatrième Convention de Genève.

« Les dirigeants mondiaux doivent se réveiller maintenant, car Israël a clairement l’intention de faire disparaître la Palestine et le peuple palestinien. réagit Issam Younis d’Al-Mezan. Leur passivité était inquiétante mais est désormais totalement inacceptable.

« Apartheid, transferts forcés, ingénierie démographique, pillages, meurtres, etc. Les colonies israéliennes violent le droit international, mais les États parties n’ont rien fait pour les arrêter et mettre un terme aux crimes et aux violations commises par Israël. »ajoute Diana Alzeer, vice-présidente de la FIDH et représentante d’Al-Haq.

La communauté internationale, y compris l’allié historique d’Israël, les États-Unis, dénonce régulièrement les confiscations de terres – à l’image de Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, qui regrette « un pas dans la mauvaise direction »aller à l’encontre« une solution négociée à deux États » ou le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken qui déplorait en mars l’expansion des colonies « contre-productif pour parvenir à une paix durable » avec les Palestiniens.

Mais les paroles ne sont pas suivies d’actes qui engagent Israël. « La paix ne sera pas possible tant qu’Israël bénéficiera de l’impunité et du soutien des gouvernements occidentaux tout en commettant des crimes internationaux contre le peuple palestinien », a-t-il ajouté. Diana Alzeer, d’Al-Haq, la plus ancienne et la plus importante ONG palestinienne de défense des droits de l’homme, insiste auprès de Mediapart.

Aux côtés de la FIDH et d’autres organisations palestiniennes membres, elle appelle les États « faire tous les efforts possibles pour mettre fin au colonialisme et à l’apartheid israéliens »Ils réclament des sanctions, la suspension des accords commerciaux, notamment de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. Ils demandent également au procureur de la Cour pénale internationale (CPI) (qui enquête depuis 2019 sur les activités de colonisation en Cisjordanie) d’émettre des mandats d’arrêt. « contre les responsables de la colonisation et du déplacement forcé du peuple palestinien. »

Depuis l’occupation de la Cisjordanie par Israël en 1967, plus de 500 000 Israéliens vivent dans des colonies illégales au regard du droit international, souvent établies sans l’accord des autorités, qui en légalisent ensuite certaines (une quinzaine en 2023 selon « La Paix Maintenant »). Ils sont soumis au droit civil israélien, aux côtés des quelque trois millions de Palestiniens qui sont soumis au droit militaire israélien.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page