Des passants avec des parapluies marchent devant un panneau publicitaire à Pékin, le 10 avril 2024 (AFP/WANG Zhao)
Une performance meilleure que prévu malgré les difficultés: la Chine a annoncé mardi une hausse de son PIB de 5,3% au premier trimestre, au moment où une crise immobilière sans précédent et une consommation atone sont exacerbées par les incertitudes économiques.
Un groupe d’experts interrogés par l’AFP tablait sur une croissance de 4,6% en moyenne. Pékin s’est fixé un objectif « d’environ 5% » cette année, bien loin des augmentations à deux chiffres des dernières décennies.
Ce rythme, qui ferait l’envie de la plupart des grandes économies, serait néanmoins le plus bas pour la Chine depuis 1990 (3,9%), hors période Covid.
Au premier trimestre, « l’économie chinoise a poursuivi sur sa lancée et a pris un bon départ » cette année, a déclaré à la presse Sheng Laiyun, porte-parole du Bureau national des statistiques (BES), assurant que les mesures gouvernementales pour soutenir la croissance « produisaient leurs effets ».
Cependant, par rapport au quatrième trimestre 2023, comparaison plus précise de la situation économique, le PIB croît plus modestement (+1,6%).
Éminemment politique et sujet à caution, le chiffre officiel du PIB reste néanmoins très scruté, compte tenu du poids du pays dans l’économie mondiale.
Les chiffres de croissance sont publiés à un moment où certains économistes s’inquiètent de la trajectoire de la deuxième économie mondiale.
Mercredi, l’agence de notation Fitch a abaissé à négative la perspective de la dette souveraine de la Chine, citant des risques accrus pour les finances publiques du pays dans un contexte de « perspectives économiques plus incertaines ».
– Chiffre rassurant mais…
« La forte croissance du premier trimestre rassure le gouvernement sur ses arbitrages » en matière d’économie, estime l’analyste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management, alors que de nombreux économistes prônent plutôt un vaste plan de soutien.
Le rebond tant attendu après la levée des restrictions sanitaires contre le Covid-19 a été bref et s’est essoufflé l’année dernière.
La reprise est particulièrement freinée par la faible confiance des ménages et des entreprises dans un contexte d’incertitude qui pénalise la consommation.
En mars, les ventes au détail, principal indicateur des dépenses des ménages, reculent (+3,1 % sur un an), après une hausse de 5,5 % en janvier et février cumulés.
Cette performance est inférieure aux attentes des analystes interrogés par l’agence Bloomberg (5,4%).
La production industrielle s’est également essoufflée en mars (+4,5% sur un an), après une hausse de 7% en début d’année. Les estimations de Bloomberg prévoyaient un ralentissement (6,6%).
Au premier trimestre, « la consommation et l’investissement dans le logement ont été les principaux freins » à la croissance, a expliqué à l’AFP l’économiste Dan Wang de la banque hongkongaise Hang Seng.
L’immobilier a longtemps représenté au sens large plus d’un quart du PIB chinois et constitué une source d’emploi importante.
Mais ce secteur clé est désormais sous pression, avec certains promoteurs au bord de la faillite (Evergrande, Country Garden, etc.) et des prix en baisse qui dissuadent les Chinois d’investir dans l’immobilier.
Les mesures de soutien de Pékin au secteur ont jusqu’à présent eu peu d’effet.
– Récupération inégale –
Au premier trimestre, les investissements dans l’immobilier ont diminué sur un an (-9,5%), selon le Bureau national des statistiques.
Logiquement, les principales villes de Chine ont encore enregistré une baisse des prix de l’immobilier en mars.
Sur 70 villes qui composent l’indicateur officiel de référence, 58 étaient ainsi concernées (contre 51 en mars 2023, signe de dégradation de la situation), selon les chiffres de la BNS.
Depuis 2020, l’immobilier pâtit d’un durcissement par Pékin des conditions d’accès au crédit pour les promoteurs immobiliers, afin de réduire leur endettement.
La reprise en Chine est disparate, avec des secteurs qui en profitent, comme les services, portés par le retour des clients vers les restaurants, les transports et les attractions touristiques.
Mais d’autres restent en difficulté en raison de la faiblesse de la demande intérieure.
Cette situation a plongé la Chine dans la déflation pendant six mois.
Le pays s’en est sorti depuis février, mais la hausse des prix a été quasiment nulle en mars (+0,1% sur un an), contrairement aux principales économies qui ont vu les prix s’envoler à nouveau.