En Chine, l’essor des taxis autonomes suscite à la fois peur et ferveur – 17/08/2024 à 15h45
Le tableau de bord d’un taxi autonome du projet « Apollo Go » du géant technologique chinois Baidu dans une rue de Wuhan, en Chine, le 1er août 2024 dans la province du Hubei (AFP / Pedro PARDO)
« Comme dans un film de science-fiction ! » : les taxis autonomes se multiplient dans les villes chinoises, suscitant l’étonnement, mais aussi l’enthousiasme et la méfiance.
Les géants technologiques et les constructeurs automobiles chinois ont investi des milliards d’euros dans la conduite autonome ces dernières années, dans l’espoir de rattraper les leaders américains.
La grande ville de Wuhan (14 millions d’habitants), dans le centre de la Chine, est devenue le plus grand laboratoire mondial du secteur : 500 taxis sans chauffeur (« robotaxis ») y circulent. Un record mondial.
Elles peuvent être demandées avec une simple application mobile, comme une course normale.
« C’est un peu magique, comme dans un film de science-fiction ! », a déclaré à l’AFP un habitant, Yang.
Cependant, tout le monde ne partage pas son enthousiasme.
Les inquiétudes concernant la sécurité de cette technologie ont été ravivées en avril lorsqu’un véhicule Aito (du fabricant d’électronique Huawei) a été impliqué dans un accident mortel en Chine. Selon l’entreprise, le système de freinage automatique ne s’était pas activé.
Un robotaxi (à g.), véhicule autonome sans conducteur, issu du projet « Apollo Go » du géant technologique chinois Baidu, dans une rue de Wuhan, le 1er août 2024 dans la province chinoise du Hubei (AFP / Pedro PARDO)
Une collision mineure entre un piéton et un robotaxi à Wuhan le mois dernier a ravivé les inquiétudes.
De leur côté, les chauffeurs de taxis traditionnels et de VTC (voitures avec chauffeur) craignent d’être progressivement évincés par cette technologie.
Les robotaxis de Wuhan font partie du projet « Apollo Go » du géant technologique chinois Baidu, qui a reçu une première licence pour opérer dans la ville en 2022.
– « Ils nous volent » –
Sa flotte est désormais déployée sur 3 000 kilomètres carrés, soit plus d’un tiers de la superficie de la ville.
Un robotaxi (à g.), véhicule autonome sans conducteur, issu du projet « Apollo Go » du géant technologique chinois Baidu, dans une rue de Wuhan, le 1er août 2024 dans la province chinoise du Hubei (AFP / Pedro PARDO)
En comparaison, le leader américain Waymo affirme que la plus grande zone qu’il couvre est de 816 kilomètres carrés, en Arizona.
Lorsqu’une voiture arrive au point d’embarquement, les passagers doivent scanner un code QR avec leur téléphone pour déverrouiller le véhicule.
Les tarifs sont volontairement bas : un trajet de 30 minutes effectué par l’AFP n’aura coûté que 39 yuans (4,95 euros), contre 64 yuans s’il avait été effectué avec un taxi normal.
« Ils volent nos moyens de subsistance », s’indigne Deng Haibing, chauffeur de taxi à Wuhan.
Sa crainte : que les sociétés de robotaxis écrasent la concurrence avec leurs tarifs réduits, avant d’augmenter à nouveau leurs prix une fois qu’elles seront en situation favorable. Une tactique déjà utilisée par les sociétés chinoises de VTC dans les années 2010.
Un chauffeur de taxi dans une rue de Wuhan, le 1er août 2024 dans la province chinoise du Hubei (AFP / Pedro PARDO)
Cependant, les robotaxis ne représentent actuellement qu’une infime partie des dizaines de milliers de taxis et VTC de Wuhan.
Mais un nombre croissant de villes chinoises ont lancé des politiques favorisant la conduite autonome, une tendance encouragée par le gouvernement afin de concurrencer les États-Unis.
Baidu et son rival chinois Pony.ai testent depuis de nombreuses années plusieurs modèles dotés de différents niveaux d’autonomie, souvent dans des zones industrielles, moins fréquentées que les centres-villes.
– Écran tactile –
Shanghai a délivré en juillet des permis provisoires pour les voitures sans conducteur. Pékin a approuvé l’utilisation de robotaxis entièrement autonomes dans certaines zones périphériques.
Un utilisateur scanne un code QR pour entrer dans un robotaxi autonome à Wuhan, dans la province chinoise du Hubei, le 1er août 2024 (AFP/Pedro PARDO)
Des projets pilotes sont également en cours à Chongqing (sud-ouest) et à Shenzhen (sud), capitale technologique chinoise.
Mais il reste encore un long chemin à parcourir avant que ces véhicules ne deviennent omniprésents, selon Tom Nunlist, analyste chez Trivium China, basé à Pékin.
« Tout le monde semble penser aujourd’hui que la conduite autonome est quelque chose d’inévitable », a-t-il déclaré à l’AFP.
Mais « pour l’instant, cette technologie (…) n’est tout simplement pas prête pour un déploiement à grande échelle », souligne-t-il.
Car même si les taxis Apollo Go de Wuhan peuvent repérer les obstacles et sont très prudents aux intersections, les trajets sont toujours surveillés à distance par des agents réels.
Lors d’un trajet, l’un d’eux a contacté des journalistes de l’AFP via l’écran tactile de l’habitacle, pour leur rappeler d’attacher leur ceinture de sécurité.
Un passager d’un robotaxi autonome à Wuhan, en Chine, le 1er août 2024 (AFP / Pedro PARDO)
Cependant, les robotaxis ne pourront jamais remplacer les humains dans certains aspects.
« Certains clients sont handicapés et ces voitures autonomes ne peuvent pas les aider. Sans parler des passagers transportant des objets encombrants », a déclaré M. Zhao, chauffeur de VTC.
« Seul un humain peut donner un coup de main. »