En Chine, les « rétrogradés » de la consommation
Jiaxing compte plusieurs centres commerciaux, mais comme beaucoup de villes moyennes en Chine, Wanda Plaza est sans doute le plus moderne. En témoigne la présence dans les magasins de figuiers-lyres, ces arbres aux grandes feuilles devenus un élément indispensable des boutiques branchées.
Depuis son ouverture il y a neuf ans, le centre s’est imposé comme le point de rencontre des consommateurs de cette ville de 1,5 million d’habitants en plein développement, dans le sillage de Shanghai et de la capitale provinciale Hangzhou, dont il est à égale distance. Les clients y retrouvent les classiques Uniqlo et Muji, mais aussi la marque de sacs à dos américaine Sprayground, qui y a ouvert en 2023. Ils vont au cinéma, mangent un burger en famille ou une fondue chinoise entre amis.
Cet après-midi d’été, le « centre commercial » n’est pas vide, mais les vendeurs ont du mal à convaincre les curieux d’acheter. « Les gens sont plus prudents. Avant, si quelque chose leur plaisait, ils achetaient plusieurs choses. Ce n’est plus le cas. »explique Kong Weiting, en triant les factures derrière la caisse enregistreuse d’un magasin vendant des pantalons et des chemises décontractés pour hommes.
Cette femme de 35 ans, veste grise sur tee-shirt noir, faux ongles vertigineux et boucles d’oreilles en perles, connaît bien le phénomène. Elle en fait l’expérience personnelle. Son mari travaille dans la rénovation d’appartements. Depuis que le marché immobilier est en baisse, ses revenus ont chuté. Le couple, qui a une fille de 10 ans, surveille donc beaucoup plus attentivement ses dépenses. Avant, Kong Weiting s’autorisait à sortir avec son mari ou des amis deux ou trois fois par mois – elle dépensait 200 ou 300 yuans, soit 25 à 40 euros. Désormais, le couple préfère dîner à la maison.
» Se serrer la ceinture «
En Chine, un terme est apparu ces dernières années pour décrire cette situation où les consommateurs sont plus prudents dans leurs dépenses : « xiaofei jiangji »soit « déclassé de la consommation »ce qui pourrait aussi se traduire par « se serrer la ceinture ». Les Chinois dans cette situation renoncent aux achats plaisir, font de longs trajets en transports en commun pour éviter de prendre le taxi, et ont le sentiment de vivre en dessous du niveau de vie qu’ils avaient connu jusqu’alors, ou de celui auquel ils aspiraient.
Face à cette prudence, les marques qui ont des ambitions sur ce marché monumental sont réduites à la même question : quand les acheteurs retrouveront-ils leur enthousiasme ? Leur ferveur reviendra-t-elle même ? Après les années de pandémie de Covid-19, la consommation chinoise a mis du temps à se redresser. Il semble désormais qu’elle pourrait s’installer dans une morosité durable.
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